Russie : le pays du mensonge déconcertant

par Laurent Joffrin |  publié le 24/03/2024

Élections truquées, attentat travesti : Poutine s’enfonce dans la fable totalitaire. C’est le moment qu’ont choisi Le Pen et Mélenchon pour réclamer une négociation « loyale » avec le mini-tsar du Kremlin.

Laurent Joffrin

Un attentat cruel ensanglante une salle de concert à Moscou, à la manière de la barbarie déchaînée en 2015 à Paris dans la salle du Bataclan. Tout, dans le mode opératoire, dans la revendication du crime, dans le contexte géopolitique du nord de l’Afghanistan, désigne un avatar de l’État islamique, horde fanatique de sinistre renommée spécialisée depuis dix ans dans la tuerie aveugle et le carnage au nom d’Allah. Imperméable à ces indices, impavide dans sa bulle totalitaire, Vladimir Poutine, à la manière de Staline imputant ses crimes à des ennemis imaginaires, pointe le soupçon officiel sur le gouvernement ukrainien, alors que rien ne laisse poindre le moindre indice de participation des services ukrainiens à ce massacre.

Au même moment, les évaluations indépendantes laissent à penser que le score de maréchal obtenu par le même Poutine dans la dernière élection présidentielle (87 %), est entaché d’une fraude gigantesque portant sur quelque 30 millions de suffrages. Autrement dit, si ces analyses se vérifiaient, on s’apercevrait que le maître du Kremlin, loin de bénéficier de l’appui de son peuple, est minoritaire chez lui. Dans une élection libre en Russie, il est probable qu’il aurait été battu par un opposant crédible et déterminé (tel un Navalny, opportunément disparu dans une geôle du grand nord).

Nation Potemkine

Rien de nouveau, donc, sous le soleil russe. Déjà, dans les années 1930, Ante Ciliga, communiste croate dissident pourchassé par Staline, avait intitulé son témoignage par cette formule lucide et prémonitoire, Dix ans au pays du mensonge déconcertant. Telle est la Russie de Poutine : le pays du mensonge déconcertant. Une nation Potemkine, qui camoufle sa faiblesse congénitale derrière un décor de virile agressivité, qui se réclame de Pierre-le-Grand mais n’est que celui de Vladimir-le-petit, qui se croit l’héritier de la Grande Catherine mais ploie sous le joug d’un mini-Tsar.

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La Russie défie l’Europe alors que sa force économique lui est dix fois inférieure, et ne parvient à gagner une poignée de villages dans le Donbass qu’en envoyant ses soldats à la boucherie et en pressurant son peuple saigné aux quatre veines pour financer une armée qui compense son inconsistance par le nombre. Ce qui signifie que si les démocraties savent jouer leur carte, Poutine s’enlisera en Ukraine comme Brejnev en Afghanistan.

C’est évidemment le moment qu’ont choisi les mous du genou et les agents d’influence stipendiés (chacun d’entre eux se reconnaîtra), pour réclamer une négociation loyale et immédiate avec ce chef de gang botoxé, franc comme un âne qui recule, qui joue de ses muscles bodybuildés propres à impressionner les orateurs démagogues de la cinquième colonne poutinoïde, tels Marine Le Pen, Jordan Bardella, Manuel Bompard ou Jean-Luc Mélenchon. Certes fort divergents sur d’autres sujets, LFI et le RN se rejoignent ainsi dans la veulerie pour dérouler leur tapis rouge ou brun devant le menteur déconcertant et déconcerté du Kremlin.

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Laurent Joffrin