Russie-Ukraine : Kiev dans la gueule du loup

par Pierre Benoit |  publié le 14/03/2025

Lundi, Volodymyr Zelensky avait donné son accord pour une trêve des combats dans les airs et sur les lignes de front ukrainienne. Réponse dilatoire de Poutine…

Le président russe Vladimir Poutine, lors d'une conférence de presse à l'issue d'une rencontre avec son homologue biélorusse au Kremlin, à Moscou, le 13 mars 2025. (Photo Maxim Schemetov / POOL / AFP)

La réponse du maître du Kremlin est arrivée jeudi à l’issue d’une visite officielle du président de biélorusse, Alexandre Loukachenko. Poutine a commencé par dire qu’il était d’accord pour suspendre les combats avant d’ajouter une série de « nuances » pour tenir compte des « causes profondes » de son conflit avec l’Ukraine.

« Causes profondes ». C’est le logiciel habituel de Vladimir Poutine, lorsqu’on évoque son intervention militaire en Ukraine. Comprendre, une liste d’interdits qu’il faut suivre à la lettre : arrêter la « dérive » de l’Ukraine vers l’Union Européenne et annuler sa volonté de rejoindre l’Otan. Autrement dit, en faire un pays neutre, sans armée véritable. Voilà pourquoi le « oui mais » de Poutine sonne plutôt comme un « non sauf ».

Après un hommage appuyé à Donald Trump pour « avoir accordé autant d’attention au règlement en Ukraine », Poutine a ajouté un interdit supplémentaire : que Kiev n’utilise pas cette trêve pour recruter des soldats, recevoir des armes occidentales. Et puis il s’est interrogé à haute voix : « comment garantir qu’une telle situation ne se reproduise pas ? ».

Le patron de Kremlin n’a jamais dévoilé son jeu. Seule nouveauté à retenir, il a cité d’autres pays qui s’intéressent au conflit : la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud. C’est-à-dire les poids lourds des « Brics », le club diplomatique qu’il a toujours soutenu. Pas mot sur les pays européens. A l’exception de la Hongrie, l’UE défend une position commune pour mettre en place des mesures de sécurité robustes protégeant l’Ukraine contre toute reprise de l’agression russe. Quelques heures auparavant, le patron de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avait fermé la porte en déclarant « ne pas être intéressé par la position des pays de l’UE dans le règlement du conflit ».

Donald Trump a salué la déclaration de Poutine, en notant simplement qu’elle était « incomplète » et qu’il serait « très décevant » de voir la Russie rejeter la proposition ukrainienne. Les deux présidents vont se parler sous peu. Il serait étonnant que l’émissaire spécial Steve Witkoff, qui se trouve à Moscou, puisse faire bouger les lignes. On saura bientôt si Trump doit hausser le ton, bousculer le patron du Kremlin pour donner plus de crédibilité à toute cette affaire.

Si l’indépendance de l’Ukraine n’était pas en jeu, on pourrait se croire, en effet, devant une pièce de théâtre à la Tchekhov où tous les acteurs se donneraient à fond avant de sortir leurs tronçonneuses pour couper les cerisiers. Personne ne peut être dupe du ballet diplomatique qui se déploie devant nous. La fausse validation du bout des lèvres de la trêve de Washington par Poutine n’a rien d’un engagement formel.

En réalité la perspective de trêve ne gomme pas l’alignement de Washington sur le narratif de Moscou. L’administration Trump veut laisser penser que le Kremlin défend des positions maximalistes pour abaisser ses prétentions au moment de négocier. C’est mal connaître l’immense mépris du maître du Kremlin pour la souveraineté ukrainienne.

Pour l’heure Vladimir Poutine reste un chef de guerre qui veut négocier en position de force. Jeudi encore, il est apparu en tenue de combat dans la région de Koursk.

Depuis mercredi, le drapeau russe flotte sur un bâtiment administratif de Soudja, une des dernières positions occupées par les forces ukrainiennes. Les soldats de Kiev quittent presque sans combat la poche de Koursk. Montée par les forces ukrainiennes en juin dernier, cette opération tactique avait été imaginée dans l’idée de disperser les forces russes sur un front plus large et devenir ensuite un élément dans une future négociation. Bientôt Zelensky n’aura plus cette carte entre les mains.

Pierre Benoit