Sahel : les coups d’État et après ?
Mali, Burkina Faso, Niger… L’actualité en Ukraine et Moyen-Orient peut faire oublier ces pays secoués par des coups d’État militaires spectaculaires qui ont abouti au départ de la France. Quelle est leur situation aujourd’hui? Que reste-t-il de la France au Sahel ? Le point
La chute du président Bazoum au Niger comme celle du clan Bongo au Gabon ont fait s’écrouler une partie du scénario prévu par Macron dans sa politique africaine présentée en février 2023. Plus question de redéployer les forces Barkhane au Niger, la junte n’en voulant plus et l’ayant clairement fait savoir à la France, au prix d’une forte crise diplomatique et d’importantes manifestations populaires.
Plus de sanctuaire pour l’armée française ?
Reste le Tchad, où l’armée française peut encore se réfugier. Mais l’attitude du président français à la mort de Idriss Déby consacrant le coup de force de son fils Mahamat, au mépris de la Constitution tchadienne comme des engagements pris par ailleurs contre les coups d’État, est apparue comme un nouvel avatar du comportement néocolonialiste de la France. Au point de donner des arguments à l’opposition et à une part croissante de l’opinion publique tchadienne, non seulement pour refuser un tel redéploiement, mais également pour contester les bases existantes de longue date à Ndjamena, Abéché et Faya-Largeau. Il y a donc à prévoir de vraies difficultés politiques et logistiques pour une telle opération.
Cette situation délétère pourrait-elle encourager le président français à aller enfin jusqu’au bout de sa logique implicite en désengageant totalement les troupes françaises d’Afrique ?
Mali, Burkina-Faso, Niger, restent donc désormais seuls face aux menaces djihadistes et à la volonté manifeste de ces groupes de percer le plus loin possible vers le golfe de Guinée, comme en témoignent les attaques déjà subies par le Bénin, le Togo ou la Côte d’Ivoire.
Rébellion des Touaregs au Nord, offensive des islamistes au sud. Les djihadistes se rapprochent de la capitale Bamako
Au Mali, la junte de Bamako ne fait pas seulement face au GSIM (Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda), mais également aux rebelles touaregs, notamment regroupés dans la CMA (Coordination des mouvements pour l’Azawad), qui revendiquent toute la partie nord du pays. En principe, entre ces deux parties, gouvernement malien et CMA, a été signé en 2015 l’accord d’Alger mettant fin à leur conflit. Mais les combats ont repris.
L’armée malienne, désormais seulement accompagnée de mercenaires russes (dont les restes de Wagner), veut reprendre à la CMA et ses alliés le contrôle du nord. Dans cette perspective, elle a lancé début octobre une offensive à partir de Gao en direction de Kidal, fief des rebelles touaregs. Les islamistes du GSIM n’ont pas manqué l’occasion ainsi offerte d’affaiblir les forces maliennes en menant de son côté des offensives simultanées, se posant ainsi de fait en allié de la rébellion touarègue.
Quant au sud du pays, il reste la proie de nombreuses attaques de l’autre groupe armé djihadiste, l’EIS (État Islamique au Sahel), se rapprochant peu à peu de la capitale Bamako. Troisième front donc, beaucoup plus dispersé. De ce fait, il n’est même plus certain que l’élection présidentielle prévue en février 2024 et censée rendre le pouvoir aux civils se déroule, l’aggravation des conflits fournissant à la junte et ses alliés le meilleur prétexte pour conserver le pouvoir.
Les attaques très meurtrières des groupes islamistes s’étendent à tout le pays
Au Burkina, les attaques ne cessent de se multiplier, pour l’essentiel de la part de l’EIS, au point de tendre à encercler la capitale Ouagadougou. S’y ajoutent au nord du pays les attaques combinées du GSIM dans la zone des Trois- Frontières aux confins du Mali, du Niger et du Burkina. Centrées un certain temps sur le nord du pays, au plus près du Mali, ces attaques souvent très meurtrières s’étendent peu à peu sur tout le pays.
Niamey la capitale, menacée
Quant au Niger, par extension du conflit au nord du Mali, ce sont les troupes du GSIM qui semblent y mener principalement l’offensive en se rapprochant de plus en plus de Niamey.
On ne peut ici qu’avoir en mémoire ce que disait le président nigérien Bazoum avant sa chute lorsqu’il évoquait l’endogénéisation croissante ( l’installation permanente ) du combat djihadiste, en clair, l’implantation des djihadistes au sein des populations locales, façon de dire qu’on a dépassé le stade de l’agression extérieure.
2023, une année plus sanglante que jamais
Même rassemblés désormais au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), les trois pays connaissent dès fin septembre une année 2023 plus sanglante que jamais, avec plus de 10.300 morts soit davantage qu’en 2022, année déjà lourde en victimes, et deux fois plus qu’en 2021.