Saint Louis , le roi de la dette
La dette publique augmente. Les intérêts s’envolent. Déjà, il y a près de 800 ans…Par Pierre Feydel
Louis IX, vénéré par la droite conservatrice catholique française, tout au long du XIXe siècle, canonisé en 1297, est une des icônes de notre roman national. Jean de Joinville, chroniqueur du règne, nous le montre ainsi : « Maintes fois , il advint qu’en été, il allait s’assoir au bois de Vincennes après la messe et nous faisait assoir tout autour de lui. Et ceux qui avaient à faire venait lui parler sans empêchement d’huissier ni autre. » Le roi justicier sous son chêne est forcément bon et juste.
C’est, surtout, un réformateur qui monte sur le trône en 1220. Il y restera jusqu’à sa mort en 1270. Pendant 43 ans, il agrandit le royaume, fait la paix avec les Anglais et l’Empereur, calme les querelles entre barons. Il humanise un tant soit peu la justice, met fin à l’hérésie albigeoise, institue une monnaie unique, condamne l’usure, chasse les Lombards et persécute les juifs. Un bon roi ? En tout cas un roi très chrétien que sa foi mène a des dépenses somptuaires. Son biographe l’historien Jacques le Goff le qualifie de « premier roi de l’endettement ».
D’abord les croisades. Le coût de celle de 1245 à 1254 a été évalué à 1 537 540 livres tournois, la monnaie de référence sous l’Ancien Régime, une somme annoncée à la livre près qui se veut précise mais… qui reste à vérifier.
. Reste que les revenus annuels du roi de France ne dépassent pas 250 000 livres, six fois moins. A-t-il pour autant vidé les caisses remplies par son grand-père Philippe Auguste. Pas sûr. Mais les dépenses sont quand même conséquentes.
Le roi doit assurer la subsistance de certains croisés, payer les navires qui transportent ses troupes et aussi la reconstruction des châteaux en terre sainte. Alors il emprunte, essentiellement aux Templiers qui, dans leur donjon de Paris, sont aussi les gardiens du Trésor royal. Et puis, il taxe ses sujets : les villes, les revenus du clergé. Pour une expédition qui se révèlera un échec. En Égypte, le roi est fait prisonnier. Il restera un mois en captivité.
Les autres folles dépenses concernent les reliques. Elles sont une manifestation de dévotion et source d’un grand prestige. Baudouin II de Flandres est devenu après la prise de la ville par les croisés en 1204, le premier empereur latin de Constantinople. Il a terriblement besoin d’argent pour lutter contre les Grecs qui grignotent son territoire. Il a mis en gage la couronne d’épines du Christ contre un emprunt contracté auprès de marchands vénitiens. Louis négocie, achète.
Avec un luxe de précautions inouïes, la relique, vraie ou fausse, gagnera La Sainte Chapelle que le roi a fait construire pour entreposer sa collection. S’y ajoute, un morceau de la Sainte Croix, la Sainte Éponge avec laquelle ses tortionnaires ont fait boire du vinaigre à Jésus et le fer de la Sainte Lance qui lui perça le flanc. La seule couronne d’épines lui a coûté 40 000 livres. L’équivalent du coût de la Sainte-Chapelle consacrée en 1248. Il emprunte. Il taxe de nouveau.
Il va se lancer dans une ultime croisade. Il débarque à Tunis en 1270. Mais, la dysenterie et le typhus ravagent les croisés. Le roi meurt le 25 août.
La monarchie ne cessera plus de s’endetter. Cela ne la sauvera pas. En 1789, la dette dépasse les 4 milliards de livres. Le roi convoque les États généraux pour « faire les comptes et trouver des solutions ». Le rideau se lève sur le premier acte de la Révolution.