Saluts nazis : surtout ne pas se résoudre au silence

par Boris Enet |  publié le 15/03/2025

La flopée de saluts nazis dans le premier cercle de Trump, de Bannon à Musk, a produit ses effets. Sans qu’il s’agisse pour l’heure d’une pandémie, de nombreux jeunes s’en inspirent tout de même.

Manifestation contre Elon Musk devant une concession Tesla à West Bloomfield, dans le Michigan, le 13 mars 2025. (Photo de Jeff Kowalsky / AFP)

Sur les réseaux sociaux, en cours de récréation ou sur terrains de sport, la jeunesse s’est emparée de l’innommable, plus par bêtise et incurie, que par conviction. Les professeurs, les éducateurs, les personnels de direction des établissements scolaires, reprennent autant qu’ils le peuvent cette fraction de la jeunesse, biberonnée au téléphone portable et désormais abrutie par les réseaux sociaux de l’ère libertarienne. Préférant les sanctions éducatives aux couperets administratifs, ces jeunes sont la plupart du temps désemparés et honteux lorsqu’ils sont pris sur le fait.

Par mimétisme ou provocation, ils reprennent les tristes clowns d’une société du spectacle aussi obscène que vulgaire, mise en boîte depuis Mar-a-Lago, en Floride, succinctement décrite en version texane par Renaud, dans « J’ai raté télé-foot » en 1981 : « Après j’me suis r’gardé Dallas, ce feuilleton pourri dégueulasse, ça fait frémir le populo, de voir tous ces enfants d’salauds, ces ricains véreux plein aux as, faire l’apologie du pognon, de l’ordurerie et de la crasse… » La différence résidait en une capacité critique à projeter sa place dans le monde, autre que celle de Sue Hellen et de la famille Ewing. Mais il faut le reconnaître, les saluts fascistes n’étaient plus vraiment à la mode.

Laurent Joffrin rappelait comment une autre jeunesse, plus lointaine encore avait pu scander « Nous sommes tous des Juifs allemands » au cours d’un joli mois de mai. Ce juvénile et jouissif pied de nez adressé tant au pouvoir gaulliste qu’à la pesanteur stalinienne déclinante, permet de mesurer le chemin parcouru à l’aune de l’infâmante propagande antisémite de LFI, appelant à une manifestation internationale contre le racisme. Cette bouillabaisse idéologique dans laquelle on ne retrouve plus ses ingrédients, ses valeurs et les convives de la tablée, est la société dans laquelle évolue cette jeunesse, brinqueballée au gré des crises et des injonctions, sans jamais être en capacité de digérer les évènements de la veille.

Le degré d’éducation des lycéens et étudiants de l’époque ne leur évitait pas les raccourcis gauchistes d’une strate d’âge à laquelle tout est encore possible, c’est heureux, mais leur interdisait tout de même d’ingérer massivement le poison du chaos haineux.

Ne nous y trompons pas. Si les forces progressistes ne parlent pas suffisamment fort, redessinant un horizon fraternel et universel, la logique du conflit et d’une violence nihiliste peuvent à nouveau surgir. Les voitures Tesla brûlées ici et là n’en sont qu’une manifestation épidermique et presqu’anecdotique en réaction à l’ordre trumpiste et ses relais, mais les bandes à Baader ne demandent qu’à émerger dans l’indescriptible chaos généré par la déferlante nationaliste. C’est pourquoi il est impossible de se résoudre au silence. Condamner la tourbe raciste et antisémite, d’où qu’elle vienne, ne pas détourner le regard, est le préalable de la sauvegarde des démocraties parlementaires et des valeurs qui les fondent depuis 1945.

Boris Enet