Sarkozy, martyr de la justice?

par Laurent Joffrin |  publié le 17/05/2023

L’ancien président vient d’être condamné pour la troisième fois. Ses amis accusent la justice

portrait de Laurent JOFFRIN le 23 juillet 2020

Quel complot, mes aïeux, quel complot ! Pour la troisième fois, Nicolas Sarkozy a été condamné à de la prison ferme pour divers agissements que la justice tient pour répréhensibles. Décidément, tous les juges de France se sont coalisés pour accabler l’ancien président, dont chacun sait qu’il est blanc comme neige, ce qu’une justice acharnée, ameutée et totalitaire, s’évertue à nier.

Telle est la thèse de ses amis, installés depuis hier sur les plateaux de télévision pour fustiger une magistrature « partisane », des « juges rouges » et une vindicte « politique ».

En effet, Nicolas Sarkozy a été condamné hier en appel – donc pour la deuxième fois – dans l’affaire dite « des écoutes Bismuth », du nom du pseudonyme choisi par son avocat pour acheter des téléphones portables « sécurisés » ; il l’avait déjà été par un tribunal correctionnel dans l’affaire de financement électoral Bygmalion, qui sera jugée en deuxième instance en novembre prochain.

Trois condamnations, donc, présentées par ses amis comme autant de jugements iniques perpétrés par des magistrats partisans conjurés à sa perte. La thèse est simple, au fond : dans les multiples affaires qu’il doit affronter, plus Nicolas Sarkozy sera condamné, plus il sera innocent.

L’ennui dans tous ces plaidoyers déchirants, c’est un minuscule détail. Dans les écoutes que ses avocats ont voulu écarter et que la justice a intégrées malgré tout dans la procédure de l’affaire Bismuth, on lit ceci, qui retrace la conversation entre Thierry Herzog, avocat, et Nicolas Sarkozy, ancien président, parlant de Gilbert Azibert, dont ils espèrent un coup de pouce pour recueillir des informations sur une procédure en cours:
Thierry Herzog – Je lui ai dit qu’après, tu le recevrais, que tu savais parfaitement ce qu’il faisait. Il était très content.
Nicolas Sarkozy – Bien sûr ! Moi, je le fais monter.
Thierry Herzog – Il m’a parlé d’un truc sur Monaco…
Nicolas Sarkozy – Je l’aiderai.
Thierry Herzog – Oui, un poste qui se libère, il a fait une demande, il est apparemment bien placé, mais il me dit, heu, j’ose pas demander, peut-être qu’il faudra que j’ai un coup de pouce.
Nicolas Sarkozy – Il veut travailler à Monaco ? Bon, ben, t’inquiète pas, dis-lui que je m’en occuperai parce que je vais à Monaco et je verrai le prince… »

Par une étrange aberration, deux cours de justice différentes, sans liens entre elles, ont jugé qu’il y avait là une manœuvre frauduleuse, un « pacte de corruption » destiné à obtenir illégalement des renseignements confidentiels en échange d’une gratification professionnelle.

Comme ledit pacte est confirmé par d’autres parties des mêmes écoutes, les deux cours ont estimé qu’il y avait lieu à sanction.
Quelle indignité…

Laurent Joffrin