Sauvée par la droite

par Laurent Joffrin |  publié le 18/07/2024

Battue aux élections, la coalition macroniste réussit à imposer Yaël Braun-Pivet au perchoir grâce au renfort de la droite : voilà le résultat des palinodies de la gauche.

Laurent Joffrin

Le scénario prévisible donc, se réalise : la conjonction, de la droite et du centre ex-macronien fait une majorité. Une majorité relative, une majorité étroite, mais une majorité tout de même. Nous l’écrivions dans LeJournal.info dès le 12 juillet dernier. Avec nos excuses, nous nous citerons nous-mêmes :

« Chaque jour, l’hypothèse d’un gouvernement de la droite et du centre prend de la consistance. On en connaît le scénario : le 18 juillet, jour de la mise en place de la nouvelle assemblée, la droite et le centre présentent une candidature commune au perchoir. La somme de ces deux forces surpassant celle de la gauche, elle ou il est élu. »

En fait, l’affaire était dans sac le jour où, Laurent Wauquiez ayant parlé d’un « pacte législatif », Emmanuel Macron a repris quelques heures plus tard la même expression. C’est d’abord affaire d’arithmétique : la gauche n’ayant pas d’allié, pas plus que le RN, seule une alliance entre le centre et la droite était possible, à moins de laisser le NFP gouverner, ce qu’aucun des autres protagonistes ne veut. Cela correspond ensuite à la logique politique. Ayant depuis longtemps abandonné le « en même temps », la macronie est tombée du côté où elle penchait : vers la droite.

Certes sa majorité est courte et tout peut encore déraper. Mais le précédent du perchoir est éloquent : Emmanuel Macron peut se prévaloir d’une majorité constatée hier pour pousser les feux vers un gouvernement soutenu par la Droite républicaine, nouveau nom des LR. Peut-être même avec un Premier ministre issu de la droite et non du macronisme, pour éviter le sentiment de déjà vu…

« Par ses palinodies, la gauche risque de tout perdre. »

Ainsi, la réussite de la dissolution sera totale : après avoir senti le vent du boulet RN, la France se retrouve avec une majorité de droite et un président en cohabitation avec elle. Car c’est au Parlement que se feront les lois, et non dans le confort feutré des bureaux élyséens, sans qu’Emmanuel Macron puisse y redire grand-chose. La droite et la macronie ont perdu l’élection : ce sont eux qui gouvernent. Voilà qui va apaiser le pays…

Par ses palinodies, la gauche risque donc de tout perdre. Avec quelque 200 députés, elle pouvait prétendre à l’exercice du pouvoir. Mais il eût fallu que Jean-Luc Mélenchon ne lui braque pas un pistolet sur la tempe en exigeant l’application « totale » du programme du NFP. Il eut fallu que la gauche tende la main aux macronistes inquietq du virage à droite de leur patron, pour constituer une coalition dont le nombre eût été supérieur à celui de l’union centre et droite : c’était possible. Selon toutes probabilités, cela ne se fera pas.

Ce processus réaliste, LFI l’a torpillé d’emblée et le PS s’est laissé marcher dessus. Si cette triste hypothèse se confirme, pour avoir tout demandé sous la férule mélenchoniste, la gauche n’aura rien. Ses électeurs qui espéraient une politique sociale et écologiste – par exemple celle que résumait hier Laurence Tubiana dans un entretien à l’AFP – en seront réduits à protester contre les décisions de la droite nouvelle au pouvoir. Ainsi va la gauche dominée par LFI. Arrivera un moment où la question de cette alliance mortifère se posera.

Laurent Joffrin