Sciences Po : vent debout contre «l’ingérence» !

par Malik Henni |  publié le 22/03/2024

L’intervention de Gabriel Attal à Sciences Po à la suite de l’occupation d’un amphithéâtre par des étudiants pro-palestiniens a provoqué une vive réaction de l’école

Le Premier ministre français Gabriel Attal à Paris le 12 mars 2024 - Photo Ludovic MARIN / POOL / AFP

Des étudiants pro-palestiniens auraient interdit l’entrée d’un amphithéâtre à une étudiante juive. Immédiatement, l’ensemble de la classe politique se sent obligée d’y aller de son commentaire. Et les fake news sont légion. L’institution de la rue Saint-Guillaume, elle aussi, fait valoir sa position. Dans un premier mail envoyé à ses étudiants et salariés , le 12 mars, le jour même des évènements, la direction de Sciences Po a déjà condamné « toute forme de racisme, d’antisémitisme, et d’islamophobie » et rappelé que l’expression sur les campus devait respecter le règlement intérieur.

Le lendemain, la direction collégiale qui assure l’intérim après le départ précipité du directeur, Matthias Vicherat, se fend d’un communiqué, annonçant la saisie du procureur de la République pour de possibles actes antisémites. Une enquête administrative est également en cours.

Alors que la pression semble retomber à mesure qu’ un récit clair des évènements se fait jour, la grande école relance la polémique. Cette fois, Sciences Po exprimé « de manière unie et solidaire sa “profonde émotion à la suite de la visite inopinée du Premier ministre lors de la séance du conseil d’administration du 13 mars 2024”. S’en suit un communiqué en cinq points, qui dénonce le racisme et l’antisémitisme, et rappelle la nécessité de respecter le règlement intérieur, l’attachement de l’école aux valeurs humanistes et récuse “des polémiques récurrentes, largement orchestrées sur les réseaux sociaux et exprimées sur le mode de la diffamation.

Le premier de ces points est une charge en règle contre la “visite inopinée” du Premier ministre Gabriel Attal. Le chef du gouvernement s’est en effet invité au conseil d’administration (une session budgétaire et technique) qui s’est tenu le lendemain de l’occupation. Il s’y s’est exprimé en des termes très négatifs envers son ancienne école : “le poisson pourrit d’abord par la tête” a-t-il lancé.

L’école a vivement répondu  :“Aucun responsable politique ne saurait s’arroger le droit de dévaloriser les principes fondamentaux d’indépendance et de libertés académiques”.

La menace voilée d’une éventuelle “reprise en main” de l’école par le Premier ministre n’est pas acceptable, au nom de “la défense de la liberté universitaire”.

Le débat sur la liberté académique est d’autant plus important que Sciences Po s’est investie pour la défendre. Matthias Vicherat menait une mission pour “France Universités” sur le cas de la chercheuse Farida Adelkhah, libérée des geôles iraniennes en octobre. La réponse de l’école aux propos du Premier ministre a d’autant plus de poids qu’elle a été signée par l’ensemble des directeurs et doyens de l’école et adressée aux 15 000 étudiants, dont le nom du directeur de la formation et de la recherche Sergueï Guriev. Démissionnaire, sur le départ pour la London Business School, il a été, lui, victime de ses critiques envers le régime de Poutine et vit en exil en France depuis onze ans.

Par Malik Henni

Malik Henni