Seine : Jupiter prend l’eau

par Pierre Feydel |  publié le 24/05/2024

Le Président et la maire de Paris veulent se baigner dans le fleuve pour montrer qu’il n’est pas pollué. Des contestataires leur réservent une peu ragoutante surprise

Un nageur saute dans la Seine à l'Ile-Saint-Denis, au nord de Paris.Il est toujours interdit de se baigner dans la Seine, mais à un an des Jeux Olympiques, un groupe de nageurs pionniers ne craint ni la pollution, ni la police - Photo Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Les élites françaises retrouvent parfois les vertus de la notion d’exemple. Le 23 juin prochain , c’est promis, rendez-vous est pris. Le Président de la République se baignera dans la Seine pour convaincre les mauvais esprits que le fleuve est parfaitement pur de toute pollution à la veille des JO. I

l sera gracieusement accompagné de la maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, dont il n’est pas sûr que la popularité défaillante sorte revigorée par ce bain-là ; et du préfet de la région Île-de-France, Marc Guillaume, et de celui de la police parisienne, Laurent Nunez, commis d’office. On ne doute pas que les deux hauts-fonctionnaires n’agissent sur ordre pour se prêter à cette «  caleçonnade » -là.

Imaginerait-on Charles de Gaulle ou François Mitterrand pratiquant une brasse, la moins coulée possible, pour soutenir on ne sait quel événement ? Scène improbable. Peut-être se souvient-on de Mao Tse Toung se baignant en 1966 dans le Fleuve bleu , pendant plus de deux heures, entouré de jeunes étudiants éperdus de dévotion, futurs fanatiques de la sanglante Révolution culturelle. Mais on ne saurait trouver la moindre analogie entre la bedaine maoïste et dictatoriale, et la silhouette sportive et démocratique de notre chef d’État. Sauf le culte de la personnalité.

Mais le plus terrible n’est pas là. Le président de la République veut, par cette trempette soigneusement médiatisée, répondre aux esprits chagrins qui doutent de la pureté des eaux du fleuve. Ceux qui profèrent à tout bout des champs des « gna gna gna », selon Anne Hidalgo. Car ils osent exister.

L’expression est difficilement traduisible dans la langue de Shakespeare , mais les compétiteurs néo-zélandais et australiens ont assuré qu’ils ne mettraient pas un orteil dans la Seine. Il est vrai que l’ONG Surfrider Foundation, le 8 avril dernier, a révélé que trop de bactéries s’ébattaient ces eaux-là. Et pas n’importe lesquelles : l’ Escherichia coli et des entérocoques, toutes d’origine fécale et susceptibles de provoquer des maladies infectieuses.

Il y a pire. Un certain Comité   « JeChieDansLaSeineLe23Juin » a fait son apparition. L’évènement baptisé « Crotte en Seine » propose un rendez-vous au Pont-Marie pour manifester le jour venu. Le mouvement aurait déjà une dizaine de milliers d’adhérents tous prêts à déféquer en amont de la baignade présidentielle à un moment précis, de telle façon que les baigneurs officiels soient copieusement « emmerdés ». Pour répondre à ces actes particulièrement odieux de terrorisme intestinal, les organisateurs des JO ont prévu d’installer des toilettes sur les bords de Seine. Cela suffira-t-il ? Les réseaux sociaux, ravis et toujours élégants, surveillent la suite des évènements.

Pierre Feydel

Journaliste et chronique Histoire