Sénat : la gauche progresse, la droite se renforce, la majorité recule, la Nupes perd

par Valérie Lecasble |  publié le 24/09/2023

Les dernières élections marquent la progression de la gauche traditionnelle unie (PS, EELV, PC) au Sénat, dont l’influence grandit depuis que la majorité est relative à l’Assemblée nationale.

FRANCE - Perpignan, 24 septembre 2023, Palais des Congrès, élections sénatoriales- Photo Jc Milhet / Hans Lucas

Elles n’intéressaient personne, car le résultat était connu d’avance : une majorité de droite, alliée aux centristes, et un président du Sénat, Gérard Larcher, 74 ans, LR, reconduit pour la quatrième fois d’affilée.

Le tableau des élections sénatoriales qui ont renouvelé ce 24 septembre la moitié des 348 sénateurs est resté, immuable. Issue du vote des grands électeurs (députés, sénateurs, conseillers régionaux, départementaux et municipaux) dans les territoires, la composition du Sénat découle directement de l’implantation locale des partis politiques. Un ancrage durable et peu propice au changement.

Il n’empêche. À y regarder de plus près, des bascules politiques sont intervenues. Et non des moindres.

La plus importante est l’avancée de la gauche traditionnelle. Pour la première fois depuis les élections législatives de 2022, le PS, EELV et le PC se sont présentés ensemble, unis sur une seule liste de gauche. Sans LFI, qui sans implantation locale n’avait aucune chance de gagner de sénateur.

Mieux, après une longue et homérique bataille qui a opposé Anne Hidalgo à Olivier Faure, c’est la Maire de Paris qui a réussi à imposer au sein même du Parti Socialiste sa ligne anti-Nupes face aux velléités du secrétaire du Parti Socialiste de la défendre. Comme un retour à la bonne vieille gauche plurielle avec l’élection de huit sénateurs sur les douze à renouveler. Au Sénat, la gauche flirte désormais avec le seuil symbolique des 100 sièges.

Menés par le sénateur socialiste sortant Rémi Féraud, les huit élus parisiens de gauche partagent la même tendance politique avec une sensibilité proche, l’écologiste Antoinette Ghul figure en numéro deux. Ian Brossat, l’adjoint communiste de la maire de Paris, porte-parole de Fabien Roussel, complète le trio de tête.

Derrière eux, Marie-Pierre de la Gontrie (PS), Yannick Jadot (EELV), Colombe Brossel (PS), Bernard Jomier (affilié PS) et Anne Souyris (EELV) rejoignent la liste des sénatrices et sénateurs parisiens de gauche comme une préfiguration d’une possible majorité dans la capitale lors des prochaines élections municipales de 2026.

La deuxième leçon est l’inexorable recul de la majorité présidentielle. Six ans après l’élection d’Emmanuel Macron, elle perd quatre sièges au Sénat. À la mesure de la percée d’Horizon, le parti d’Edouard Philippe qui a pris son indépendance en vue de la présidentielle de 2027. Quant au RN, chassé du Sénat il y a trois ans, le voilà qui revient au Palais du Luxembourg.

Ce Sénat, qu’il croyait immuable et conservateur, Emmanuel Macron promettait de le supprimer dès sa campagne présidentielle de 2017 tant il représentait pour lui l’Ancien Monde. À quoi donc pouvaient bien servir les sénateurs dont le vote ne pesait rien face à celui des députés ?

Président de la République, il avait traité avec hauteur et mépris sa première rencontre avec les sénateurs qu’il s’était tous mis à dos. Mal lui en a pris. Un an plus tard, la Commission d’enquête du Sénat sur l’affaire Benalla, du nom de son ex proche collaborateur, avait fait vaciller son autorité à la tête de l’État.

Depuis, plus personne ne néglige la puissance du Sénat. D’autant qu’il n’y a plus de majorité à l’Assemblée Nationale. Pour la loi sur l’immigration, son poids politique sera déterminant. Mais entre les sénateurs LR et ceux de la gauche, la partie ne sera pas facile à jouer pour la majorité.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique