Série: un mal qui répand la terreur…
Fidèle au chef-d’œuvre d’Albert Camus, mais terriblement actuel… « La peste ». Pari réussi !
On se souvient que pendant le Covid, La Peste d’Albert Camus, publié en 1947, avait connu un regain d’intérêt en librairie, en France comme dans le monde. Le lien en apparence était évident : virus, maladie, confinement, hôpitaux submergés, héroïsme du corps médical. Pourquoi en apparence ? Parce que La Peste, pour être l’histoire d’une épidémie ,est aussi un grand roman politique et d’amitié entre les hommes. Georges-Marc Benamou, déjà producteur et réalisateur d’un documentaire superbe sur Camus, a pris le livre comme l’époque au mot. L’adaptation du roman qu’il a coécrit avec Gilles Taurand est une formidable réussite.
Le pari était gonflé et d’autant qu’Antoine Garceau, le réalisateur, ne s’est pas contenté de mettre en scène La Peste. Il s’agit bien d’une libre adaptation, très actuelle à tous égards. Nous ne sommes pas à Oran, mais en 2030 dans une grande ville du sud de la France bordée par la Méditerranée. La vie n’est douce que du point de vue du climat. Le maire dont les discours sont diffusés sur des panneaux numériques dans les rues est largement corrompu, la sécurité surveille les citoyens jour et nuit grâce à un réseau de caméras disposées dans toutes les rues, des milices violentes recrutent parmi les policiers radicalisés à l’extrême-droite, quadrillent les quartiers, cognent sur les éboueurs grévistes, tuent les leaders syndicaux. Ils se nomment les sentinelles.
Un matin, le docteur Rieux sort de chez lui et bute sur un rat mort ensanglanté, c’est le début du film, exactement comme dans le roman d’Albert Camus, et la scène donne le signal d’une inquiétude générale, d’autant que le maire, secondé par un médecin-chef véreux, est bien décidé à masquer tout incident pour ne pas compromettre la saison estivale. À l’hôpital, les malades convulsent, les médecins s’affolent, les épidémiologistes sonnent l’alerte tandis qu’un journaliste qui mène l’enquête sur la ville est menacé par les sbires du maire.
Autour du docteur Rieux, un petit groupe organise les soins tandis que les morts s’accumulent dans des sacs mortuaires. Frédéric Pierrot, inoubliable psychanalyste d’En thérapie, incarne à merveille le médecin généraliste créé par Albert Camus. Autour de lui, les autres comédiens – Hugo Becker, Judith Chelma, Johan Heldenbergh, Sofia Essaïdi … – rendent l’ensemble de l’adaptation merveilleusement subtile.
La grâce de cette œuvre collective tient à ce que le film réussit la gageure d’être terriblement actuel tout en étant absolument fidèle au chef-d’œuvre originel. Rien de fabriqué dans la transposition qui fait référence à la crise du Covid, à la politique, aux risques qui pèsent sur la démocratie, sur l’information, sur la vérité sans forcer le trait. Ce n’est pas le moindre des mérites de la série que de montrer l’actualité d’Albert Camus. Non, pas uniquement son actualité, son éternité.
« La peste », minisérie en quatre épisodes, diffusée sur France 2, lundi 4 mars.