Slava, la Russie d’après l’URSS

par Yoann Taieb |  publié le 18/11/2023

La Russie des années 90 sans foi ni lois est racontée dans une brillante BD, Slava. Qu’ont fait les russes durant ces années sauvages ?

La chute de l’URSS fut un choc pour les anciens membres du bloc soviétique. Tous croyaient appartenir à une grande puissance, indestructible et tout s’est effondré en quelques années. Et, en plus, la précarité, la pauvreté ont envahi le pays. D’où la nécessité pour nos deux héros de tenter le tout pour le tout.

Slava Segalov et son ami Dimitri Lavrine sont amenés, après la chute de l’URSS, et pendant les folles années Eltsine, à pratiquer des activités commerciales peu illégales. Ils pillent sans vergogne les anciennes installations industrielles et les bâtiments soviétiques pour le compte de riches propriétaires, qui deviendront les f-oligarques. Slava, un ancien artiste peintre un peu naïf, a des remords à agir ainsi tandis que son compère Lavrine, sans aucun scrupule, entend bien profiter de l’instabilité régnante pour s’enrichir à foison. Cependant, l’époque appartient à des chasseurs bien plus dangereux qu’eux et prêts à tout, même tuer s’il le faut.

C’est l’époque où la mafia a pris le contrôle de tout le pays. Slava s’impose comme le personnage le plus touchant grâce à sa personnalité multiple, à cheval entre morale et tentation de l’interdit. En comparaison, le glacial Lavrine fait penser à un certain Poutine tant il s’avère dangereux et dur, profiteur qui a déjà opéré dans le petit milieu de la mafia russe. Suivre les aventures des deux amis permet d’en rencontrer d’autres tout aussi attachants mais cela permet, surtout, de constater l’état de délabrement total connu par l’ancienne puissance soviétique.

Le deuxième tome, « les nouveaux russes » est dans la même veine. Slava s’est converti à la solidarité minière, et gère seul son business avec la belle Nina. Lavrine lui, doit traiter avec d’ anciens clients mécontents. Tout le tome montre la survie des personnages dans un pays sans loi et où seuls les plus brutaux peuvent s’en sortir. Pierre-Henry Gromont narre, peint ses personnages avec nuance, crédibilité et réalisme. Slava pourrait avoir des airs de BD légère et drôle. Ce n’est pas le cas, grâce au talent de l’auteur.

Slava, de Pierre-Henry Gomont, Dargaud, 104 p., 20,50 €. DARGAUD

Yoann Taieb