SNCF : Borne gâche la marchandise

par Gilles Bridier |  publié le 01/10/2023

Interrogée par des parlementaires, Elisabeth Borne a défendu un plan qui signe la disparition de la filiale fret de la SNCF. La solution suscite de nombreuses critiques. Y compris de ses anciens présidents.

Train SNCF transportant des céréales sur la ligne ferroviaire Coutalain-Chartres dans le nord-ouest de la France -Photo Jean-François MONIER / AFP

Un échec. Quatre ans après la réforme de la SNCF transformant l’ancien EPIC en cinq sociétés, Fret SNCF devra bientôt disparaître suite à une plainte déposée par ses concurrents auprès de la Commission européenne. Un comble, puisque la transition écologique implique de recourir davantage au chemin de fer qu’à la route ! Mais cette filiale ploie sous une dette de 5,3 milliards d’euros, en dépit des 35 milliards déjà repris par l’État pour assainir le groupe ferroviaire.

La solution préconisée par le gouvernement ? Un coup d’accordéon qui consisterait à céder 30 % de ses trafics à la concurrence, conduisant de facto à une baisse de 20 % du chiffre d’affaires. Fret SNCF renaîtrait de ses cendres en une nouvelle société, plus petite et espérée plus rentable, en 2025. Voilà le « plan de discontinuité » présenté au printemps par Clément Beaune, ministre des Transports, à Bruxelles pour éviter une liquidation pure et simple. Et défendu la semaine dernière devant une commission d’enquête parlementaire par la Première ministre Elisabeth Borne. Laquelle avait mené la réforme aux Transports avant de se retrouver à la tête du gouvernement.

L’ex-président de la SNCF Louis Gallois sceptique

Mais cette solution suscite « l’incompréhension » de l’ex-président de la SNCF Louis Gallois, entendu en septembre à l’Assemblée nationale sur ce projet de démantèlement. Comment, en effet, espérer redresser la situation du fret à la SNCF en cédant des trafics bénéficiaires ? Guillaume Pépy, autre ex-président, a quant à lui regretté devant les parlementaires que le projet de « nouveau programme écologique des marchandises » présenté par l’ancien ministre de l’Écologie Jean-Louis Borloo en 2009 n’ait pas été mis en œuvre. « À l’époque, on n’avait pas conscience de l’urgence climatique », explique-t-il.

Des plans de sauvetage inefficaces

Le plan du gouvernement semble déconnecté des impératifs stratégiques en faveur de transports décarbonés. La descente aux enfers du fret ferroviaire n’est pas nouvelle. Ce dernier représente aujourd’hui à peine 10 % du trafic, contre 20 % en 2000, et 30 % en 1980. Il faut dire que les différents les plans de sauvetage mis en oeuvre ont provoqué des hausses de déficits, sans redressement d’activité. « Le report modal de trafics de la route sur le rail n’est pas terrible », concède Jean-Pierre Farandou, actuel PDG de la SNCF.  

Une concurrence rail-route « illégale »

Une ouverture à la concurrence est inopérante pour développer une activité si elle n’est pas anticipée par une politique publique. Ce fut le cas pour le fret ferroviaire en 2005. Celui-ci a toujours été le parent pauvre du rail, moins emblématique que le TGV. Aussi, lorsqu’Elisabeth Borne affiche un objectif de reconquête de 9 à 18 % du transport de fret grâce, entre autres, à l’injection de 4 milliards d’euros dans la décennie à venir, on peut rester dubitatif.

Tant que la concurrence rail-route restera « illégale » à l’avantage du camion, estime selon Louis Gallois , le fret ferroviaire en France continuera de s’étioler. La SNCF – acteur de premier plan de la transition écologique – aura échoué à relever le défi.

Gilles Bridier