Social : la chasse aux victimes
Pour rétablir les comptes, la majorité fait feu de tout bois pour trouver les maillons faibles. Gare à ceux que l’opinion ne soutient pas.
Le macronisme est un modernisme, soit. Le duo Attal-Macron en donne la preuve tous les jours. Dépourvue de colonne vertébrale idéologique, la majorité y gagne un pragmatisme à toute épreuve ; le « en même temps » peut englober tout ce qu’on veut, même les choses les plus contradictoires. Du coup, le marketing politique est roi et on imagine facilement la batterie d’études et de sondages qui abreuve en permanence les stratèges de la majorité dans leur politique sociale et économique.
De cette méthode « moderne », on trouve facilement la trace dans l’actualité récente. Sur tout sujet ou presque, en matière sociale en tout cas, il s’agit d’avoir avec soi une majorité de l’opinion, quelle qu’elle soit. Les chômeurs ? Ils sont minoritaires et de nombreux Français pensent qu’ils vivent à leurs crochets : ils sont tout désignés pour subir les mesures d’économie dont le gouvernement a besoin pour équilibrer ses comptes en berne.
Les fonctionnaires ? Il y en a moins que de salariés du privé : en avant pour la remise en cause de leur statut et de leur garantie d’emploi. On ne l’eût pas fait quand ils étaient en première ligne pendant le COVID et qu’une majorité leur en savait gré. Ladite majorité est revenue à ses préjugés d’antan, les fonctionnaires sont de nouveau taxés de parasitisme et de paresse : c’est le moment de frapper. Les cheminots ? Ils n’ont plus l’aura de ceux qui se battaient jadis pour la retraite. Une majorité de l’opinion trouve que le train est cher et que les grèves sont trop fréquentes : allons-y, limitons le droit de grève, ça plaît à la droite.
Sondagisme
Les agriculteurs ? Attention ! C’est tout autre chose : ils ne sont pas nombreux, certes, mais la plupart des Français jugent leur cause sympathique. Dès lors les concessions s’imposent, dussent-elles retarder la lutte pour le climat et mécontenter les écologistes. Pas grave : ceux-ci sont minoritaires et le discours sur « l’écologie punitive » plaît à beaucoup de monde. Alors à bas les normes et vive les pesticides ! Ce n’est plus un centrisme, c’est un sondagisme.
Une exception toutefois : si Emmanuel Macron a une conviction, c’est bien celle que pour aider les pauvres, il faut commencer par choyer les riches, que l’impôt sur le patrimoine nous transporte à « Cuba sans le soleil », que les chômeurs trouveront bien un emploi en « traversant la rue » et que l’État-providence coûte « un pognon de dingue ». Ces vieilles lunes libérales sont pour lui le credo même de la modernité. Macronisme ou anachronisme ?
Ce qui permet de résumer la philosophie qui nous gouverne : fort avec les faibles et faibles avec les forts. Une fois satisfaites les classes supérieures, socle naturel de la majorité, le reste est affaire d’opportunité, d’empirisme et de souplesse, il suffit de trouver une victime. La girouette tourne au gré du vent, mais son axe est fixe.