« Solidarité »
Dico Politique : un outil pour retrouver le sens des mots, leur évolution, leur sens caché. Savoir de quoi on parle en politique. Et se comprendre
Encore un mot valise. Une pré-étude conduite par entretiens dans le cadre de l’institut Viavoice, permet d’y voir plus clair. Pour les personnes rencontrées, la solidarité, c’est « prêter attention », « s’occuper de » ,« aider ». Certes. Mais d’abord , elle va à « ceux qui me sont proches » (parents, amis, voisins) puis à ceux « que je peux toucher du doigt », « ceux que je vois », « ceux qui ont quelque chose en commun avec moi ». Il y aussi elle de tous les jours : je tiens la porte à une vieille dame ou de l’engagement : je sers des repas aux restos du cœur.
Mais, cette solidarité-là est une mise en pratique personnelle, qui doit pouvoir être résiliée à tout moment. Les grands thèmes de l’écologie, du futur de la planète, de ce que nous laisserons aux générations qui viennent, ne sont pratiquement jamais évoqués. Pas plus que les grands conflits et désastres mondiaux, l’Ukraine, le Moyen-Orient, l’Afrique… « C’est trop loin, je ne peux rien y faire », « j’y pense et puis j’oublie ». Tout se passe comme si le monde au-delà de mon espace immédiat, de ma propre vie, était posé là, dans un coin, étranger à « ma » solidarité .
Les manifestations de solidarité expriment des tendances lourdes des sociétés occidentales contemporaines. L’individualisation; je suis la référence de mon action, la solidarité est « ma » solidarité, c’est moi qui la choisis et choisis la durée de mon engagement ; la méfiance à l’égard des grosses structures et des grands discours : il doit y avoir le moins d’intermédiaires possible entre moi et l’objet de ma solidarité ; la peur et donc le rejet d’un avenir qui s’avère incertain :je dois voir le résultat de mon action ; le besoin d’immédiateté :j c’est maintenant qui compte et qui m’intéresse.
Aujourd’hui, un individu est le principe et la mesure de tout. Il refuse le lien de dépendance mutuelle dont Bergson faisait un des principes de l’idée de solidarité. C’est une solidarité en bas de chez soi. Le monde , c’est celui de mon quartier.
Bernard Cuneo