Sombre hiver pour l’Ukraine
Le froid glacial et les bombes, le front militaire et le terrain diplomatique, l’unité nationale fragilisée, la Russie qui pousse, les pays voisins qui doutent, les Américains qui hésitent…L’Ukraine de Zelensky se prépare à un hiver redoutable
L’Ukraine a commémoré samedi à Kiev l’Holodomor – atroce famine orchestrée par Staline en 1932-1933 pour conjurer les velléités nationalistes d’un peuple affranchi par la révolution d’octobre – sous une volée de drones iraniens Shahed, la plus importante depuis le début du conflit (71 appareils interceptés), qui atteste que la Russie est non seulement capable d’inhiber sa contre-offensive – cantonnée à de menues prises sur la rive gauche du Dniepr -, mais encore de lui imposer un harcèlement permanent, outre des percées significatives.
À Avdiivka, orée de Donetsk, la stratégie de mâchoire des forces russes (Krasnohorivka au nord, Opytne et Sparka au sud) semble prospérer et menace l’Ukraine de voir s’éloigner durablement la perspective de reprise du Donbass.
L’Ukraine va vent debout, elle mendie des munitions (30 % de chute des livraisons américaines depuis le déclenchement des événements de Gaza) et souffre de la comparaison avec son antagoniste, s’agissant de la relève des troupes. La Russie, quant à elle, fait ostentation de sa capacité à pilonner sans trêve et, d’oukase en oukase, œuvre à assurer le renouvellement de son contingent.
Dans ce contexte entropique, que complique l’arrivée de la rasputitsa, qui appelle prédominance du combat à pied et sacrifice de troupes dont l’Ukraine est, par nécessité et conviction, moins munificente que la Russie, à qui, à quoi peut se fier l’agressée ?
L’OTAN, qui conteste la stratégie de multiplication des fronts de Zaloujny, chef d’État-Major de Zelensky, est aujourd’hui stratégiquement écartelée et menacée dans sa cohésion par telles arrivées au pouvoir ou par tels changements de pied en son sein. L’UE voit repli nationaliste et soutien à Poutine y devenir majoritaires, jusqu’aux confins jadis sociaux-démocrates de Scandinavie. Au rang de ceux qui veulent la rejoindre, aucun ne semble en mesure de contrer cette logique, l’exemple moldave en fait foi.
Quant à ses marges « progressistes », tout indique qu’elles n’ont pas exclu la Russie, en dépit de ses positions de l’heure, du nuancier possible des « pacificateurs » à venir : il faudra bien parler à l’Iran, le jour venu… En sus, l’incessante prorogation de la livraison des F16 atteste qu’un regain isolationniste frappe élites et population américaines en dépit des efforts de Joe Biden, y compris au sein d’un camp démocrate (l’aile gauche du parti bronche ouvertement depuis 2022) qui redoute que l’élection de 2024 lui échappe pour cause d’interventionnisme.
Sur le plan intérieur, bien que légal, le report par Zelensky des élections générales de l’automne et du printemps n’est pas de nature à affermir l’unité nationale.
Et quant à l’unité intérieure russe, la coercition exercée sur une population désinformée, nostalgique de la grandeur du pays, semble avoir réduit à l’étiage les protestations à caractères familial et estudiantin de l’automne 2022 et les minorités de « l’empire fédéral » semblent tenues en respect par une diplomatie poutinienne qui sait leur témoigner l’affection de Moscou pour l’Islam.
Oui, sombre anniversaire et, sans doute, sombre hiver pour l’Ukraine…