Sortir du nucléaire ou sortir des fossiles ?

par Jacques Treiner |  publié le 25/11/2023

En France, 10% de l’électricité produite vient du gaz et du charbon. Pour 45% en Allemagne. Pour combattre le réchauffement, les deux pays prônent leurs propres solutions. Avec des bilans carbone très différents

22 novembre 2023, Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Bergheim : de la vapeur s'élève devant le soleil depuis la centrale électrique au lignite de RWE à Niederaussem - Photo Oliver Berg/dpa

La COP28, le 30 novembre à Doha, le rappellera : il est impératif de sortir des combustibles fossiles, dont l’utilisation massive entretient et accélère le réchauffement climatique. Objectif : fournir de plus en plus d’électricité décarbonée. Mais les pays européens n’ont pas à cet égard la même stratégie.

La France, pour des raisons liées aux chocs pétroliers des années 1970, a décidé de mettre en place un parc de réacteurs nucléaires. Trois séries de réacteurs ont été construites entre 1975 et 2000. Soit 58 réacteurs en 25 ans, pour une durée de de construction d’environ 5 ans. En phase d’expansion du programme nucléaire français, six à sept sont mis en service par an. C’est la technologie à eau pressurisée de Westhinghouse qui est choisie. Framatome, créé en 1958, conçoit les centrales, fournit les équipements de la chaudière nucléaire et assure la maintenance.

Aujourd’hui, 90 % de l’électricité française produite est décarbonée : 75 % de nucléaire, 15 % d’hydroélectricité, de solaire et d’éolien. 10 % seulement proviennent de centrales au gaz ou au charbon. La production d’un kilowatt-heure (kWh) correspond ainsi à l’émission d’environ 45 g de gaz carbonique. En Europe, deux pays seulement font mieux : la Norvège, dont la quasi-totalité de l’électricité est d’origine hydraulique (barrages) et la Suède, qui utilise le nucléaire et l’hydroélectricité à parts égales.

Les Allemands, eux, ont décidé de bannir le nucléaire. La catastrophe de Tchernobyl et l’accident de Fukushima les ont convaincus de sa dangerosité. Le 15 avril 2023, les quatre dernières centrales nucléaires ont été arrêtées. En même temps, l’Allemagne a investi 340 milliards d’euros pour installer 120 gigawatts de puissance éolienne et solaire photovoltaïque. 30% de l’électricité consommée en Allemagne est produite par ces investissements. Les 70% restants proviennent de l’hydroélectricité, de la biomasse, des déchets et des fossiles.

Pourtant, cette impressionnante montée en puissance des énergies renouvelables ne s’est pas accompagnée d’une diminution de la puissance installée en combustibles fossiles, qui reste toujours d’environ 80 gigawatts. Au total, le mix électrique allemand est tel que la production d’un kWh s’accompagne de l’émission de 360 g de CO2…neuf fois plus qu’avec le mix français !

L’explication est simple : le solaire et l’éolien sont des sources intermittentes. Le solaire ne fonctionne que quelques heures dans la journée et, par beau temps calme, la production éolienne peut se trouver réduite à…pas grand-chose.  Il est donc indispensable de maintenir un système de production d’énergie pilotable pour assurer le fonctionnement de la société. En Allemagne , ce sont les combustibles fossiles qui font le job, même si leur utilisation est moins sollicitée qu’avant. Mais au total, le bilan carbone s’en ressent. Donc sortir du nucléaire ou sortir des fossiles, il faut choisir !              

Jacques Treiner

Chroniqueur scientifique