Soutenir Biden

publié le 03/02/2024

La France a grand tort de ne pas exprimer plus fermement sa solidarité avec le président américain, le seul à réagir concrètement face aux attaques de l’Iran et de ses alliés contre les intérêts des démocraties. Par François Hollande

Le président français François Hollande au palais de l'Élysée à Paris, le 11 mai 2017. -Photo JOEL SAGET / AFP

Depuis plusieurs jours, les États-Unis mènent des opérations contre les Gardiens de la Révolution et les groupes armés qui leur sont proches en Syrie et en Irak. Ils répliquent ainsi à l’attaque d’une de leurs bases en Jordanie, au cours de laquelle trois de leurs soldats ont été tués, et alors même que plus de 160 frappes de drones avaient déjà visé des militaires américains en Syrie et en Irak.

Les autorités de Bagdad ont dénoncé « une violation de leur souveraineté ». Elles ont aussi demandé que la coalition internationale anti-djihadiste, celle-là même qui a vaincu Daech à partir de 2014 et qui est encore forte de 2500 éléments, mette fin à sa présence sur son sol. Je rappelle que la France était également partie prenante de cette coalition. En Syrie, 900 soldats américains de cette coalition demeurent sur place pour combattre les éléments résiduels de l’État Islamique. Là aussi, le régime de Bachar, à l’instigation de l’Iran, a exigé leur départ.

L’intervention américaine se déploie également au Yémen contre les Houthis qui multiplient les attaques au large contre les navires américains, anglais, et même contre tous ceux qui peuvent approvisionner Israël, risquant ainsi de bloquer le trafic maritime. Téhéran et Moscou ont vivement protesté contre l’action américaine, demandant la convocation du Conseil de Sécurité, ce qui peut paraître étrange quand on sait que Vladimir Poutine continue à bombarder l’Ukraine. Dans ce contexte, l’Europe se tient loin du conflit et la France garde le silence, oubliant qu’elle peut aussi être concernée par la déstabilisation de la région.

Les États-Unis font ainsi une sale besogne que nul autre ne veut assurer. Pourtant, si Joe Biden ne réagissait pas, ce serait l’aveu d’une faiblesse dont l’Iran et ses alliés, en particulier le Hamas, mais aussi la Russie, auraient tôt fait d’exploiter. Pire même, si les États-Unis se retiraient de l’ensemble de la région, l’Iran s’y installerait davantage – il est déjà présent en Irak et en Syrie – et parallèlement, l’État islamique renaîtrait de ses cendres. Je me suis suffisamment plaint de l’inaction du président Obama en août 2013, lorsque Bachar avait utilisé l’arme chimique contre son propre peuple, pour ne pas comprendre aujourd’hui l’intérêt de la réplique américaine. Loin de propager la guerre dans la région, les États-Unis évitent qu’elle ne s’étende à l’initiative de l’Iran et de ses proxys.

Si Téhéran proteste, les mollahs se gardent bien de se lancer dans un conflit ouvert qu’ils seraient sûrs de perdre, compromettant l’avenir même de leur régime. En frappant les installations américaines et en laissant les Houthis bombarder les navires qui passent par le détroit de Bab el-Mandeb, l’Iran et la Résistance islamique testent les Occidentaux.

Pour l’instant, seuls les États-Unis ont montré la volonté et la capacité de réagir. C’est la raison pour laquelle le régime de Téhéran a décidé d’attaquer plus profondément les intérêts américains et de leur infliger des pertes humaines. C’est ce qui s’est produit en Jordanie. Comment Joe Biden pouvait-il rester indifférent, surtout à l’approche des élections américaines de novembre ?  

Certes, les Européens sont mobilisés sur le front ukrainien. À cet égard, la décision du Conseil européen de libérer une aide de plus de 50 milliards en faveur de L’Ukraine doit être saluée, même s’il a fallu du temps pour en arriver là et pour vaincre l’obstacle qu’Orban avait posé depuis plusieurs mois sur la table de l’Union européenne. Mais imaginer que la menace ne se situe qu’à l’est serait une vue de l’esprit. La confrontation est globale.

Derrière le Hamas, le Hezbollah, les Houthis, il y a l’Iran, dont le principal soutien est la Russie, liée à la Chine. Le rapport de forces se situe désormais à l’échelle du monde. Le Moyen-Orient et l’Afrique sont aussi des terrains de jeu dans la bataille qui oppose les démocraties et les régimes autoritaires. C’est pourquoi je regrette que la France n’exprime pas plus fermement sa pleine solidarité avec Joe Biden et les États-Unis quand les bases américaines sont attaquées. Je regrette tout autant que nous ne participions pas aux ripostes contre les Houthis, dès lors que nous sommes, même indirectement, visés.