« Super Tuesday » Netanyahou contre Biden

par Laurent Joffrin |  publié le 06/03/2024

Le duel Trump-Biden aura bien lieu en novembre, sauf accident imprévisible. Mais le président américain perd des électeurs à cause de son soutien à la politique d’Israël à Gaza

Laurent Joffrin

Par un sarcastique détour, Joe Biden va-t-il payer d’une défaite en novembre sa fidélité à Israël ? Autrement dit, en écrasant Gaza, Netanyahou va-t-il faire d’une bombe deux coups en écrasant Gaza et assurant, dans le même temps, la victoire de Donald Trump à la prochaine présidentielle ? C’est l’amère question qui se pose après le « Super Tuesday », cette journée d’hier traditionnellement décisive dans le marathon des primaires américaines.

Bien sûr Joe Biden, pour ainsi dire seul en lice, a gagné dans tous les États où avaient lieu l’élection, à l’exception de la petite île de Samoa, généralement hétérodoxe, qui ne pèse pas dans le scrutin national. Comme son rival Donald Trump, qui poursuit sa marche triomphale vers l’investiture, le président est certain de représenter son parti à l’élection de novembre. À cette nuance près : dans plusieurs États qualifiés de « swing states », des États qui peuvent basculer d’un camp à un autre, de nombreux électeurs, parmi les jeunes ou dans la minorité musulmane, ont sanctionné Joe Biden pour son soutien à la politique israélienne à Gaza.

Dans le Michigan, le Minnesota ou la Caroline du Nord, quelque 20 % des votants se sont déclarés « uncommited », « non-engagés », privant Biden d’autant de suffrages. Dans l’immédiat, ce « vote blanc » ne change rien : le président engrange tout de même ses délégués. Mais en novembre, face à Trump, cette défection peut coûter aux démocrates des États comme le Michigan, plutôt démocrate par tradition, dont Trump a besoin pour se faire élire.

Absurde

On dira que ce comportement des « uncommited » propalestiniens est absurde : pour soutenir la Palestine, ils faciliteraient la victoire d’un candidat beaucoup plus favorable à la droite israélienne que Biden : c’est Trump qui a transporté l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, c’est encore lui qui a négocié une éventuelle paix avec les États arabes sur le dos des Palestiniens. Mais il en va ainsi du vote communautaire : il est émotionnel et non rationnel ; ou encore du vote progressiste extrême à la sauce « woke » : il cherche la sanction des « crimes du passé » (celui de Biden en l’occurrence, à leur yeux) et non la préparation de l’avenir.

Ainsi ce « Super Tuesday » risque de rester comme une sinistre étape dans la vie de la démocratie américaine : celle qui prépare la deuxième victoire de Donald Trump, président sous le coup de 91 chefs d’accusation devant la justice, qui a refusé il y a quatre ans de se plier au vote des électeurs et a prêté la main à un sanglant assaut contre le Parlement des États-Unis, à l’image de ce qu’avait été la journée du 6 février 1934 en France, quand les Ligues fascisantes avaient lancé l’assaut contre la Chambre des Députés.

Sur la route de ce candidat factieux, il ne reste que deux fragiles obstacles : les décisions judiciaires qui pourraient l’écarter de la course, de moins en moins vraisemblables depuis que la Cour Suprême s’est prononcée en sa faveur ; un président sortant au bilan excellent, mais handicapé par son âge canonique et par la sanction des propalestiniens décidé à punir le soutien américain à Netanyahou. On devine qu’un peu partout dans le monde, au Kremlin ou à Jérusalem en tout cas, les ennemis de la démocratie et de la paix sablent discrètement le champagne.

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Laurent Joffrin