Tavares : anatomie d’une chute
Le patron de Stellantis se prenait pour une rock star. À la première fausse note, il est viré…
Mai 2024, Stellantis publie de bons résultats. Avec une marge opérationnelle à deux chiffres, comparable à celle de BMW ou Mercedes, le groupe généraliste fait aussi bien que les marques de haut de gamme. Carlos Tavares est à la une de tous les médias, il enchaîne les interviews et vante ses propres mérites. Cinq mois plus tard il est viré.
J’ai beaucoup de respect pour le travail de Carlos Tavares. Quand il a racheté Opel à General Motors en 1997 Il a redressé en un an les comptes d’une entreprise perpétuellement en perte depuis son acquisition par le géant américain. En 2021, il réussit la fusion avec Fiat Chrysler Automobiles et le succès est aussi immédiat : bénéfice de 16 milliards d’euros dès 2022 puis 18 milliards en 2023.
Porté par ces résultats, Tavares n’hésite pas à assumer une impitoyable chasse aux coûts. Cette rigueur est poussée à l’extrême par sa communication, allant jusqu’à se qualifier lui-même de « psychopathe de la performance ». Il explique que la poursuite des économies de coût « n’a aucune limite, sauf l’imagination »… Des milliers de fournisseurs en dépôt de bilan ont apprécié.
Le grand patron se qualifie alors de “Mbappé de l’automobile”. Il encaisse plus de 36 millions de revenus (hors bonus). Cela veut dire 500 fois le salaire moyen de ses employés ! Entouré d’une cour de communicants et de journalistes enamourés on le voit partout, célébrer ses qualités exceptionnelles !
Mais voilà : les arbres ne montent pas au ciel et le marché se retourne. Un rappel massif de voitures par Citroën font douter de la qualité des produits du groupe. Les ventes chutent une fois disparues les pénuries liées à la Covid, spécialement aux Etats-Unis où le groupe souffre du vieillissement de ses modèles. Et quand chiffres sont moins bons Tavares sacrifie brutalement ses collaborateurs les plus directs.
Je ne suis pas compétent pour juger de la stratégie d’un grand patron de l’automobile, j’en conviens. Il reste que ce cas de figure est emblématique : la médiatisation exagérée, et l’autosatisfaction de beaucoup de grands patrons (français et autres) est haïssable. J’ai toujours trouvé extravagante cette mise en orbite de dirigeants qui se prennent pour des chanteurs de rock. Comme si, en cas de succès, ils étaient seuls à bord. Quand un chef d’entreprise bénéficie du travail de milliers de personnes (250 000 pour Stellantis) le moins qu’il puisse faire c’est contrôler son ego et jouer collectif. A défaut, au premier trou d’air, les mêmes flatteurs qui les ont courtisés détailleront, à longueur d’articles, la liste de leurs erreurs et de leurs défauts.