Tendance : la mafia en costume trois pièces
Les quatre mafias d’Italie ne tuent plus. Elles préfèrent se fondre dans le tissu économique. Sans oublier toutefois, le racket, les trafics, la corruption…
Le nouveau « mafioso » n’a plus grand-chose à voir avec l’ancien « parrain ». Ni par l’apparence : costume de prix et langage châtié. Ni par les mœurs : finis les meurtres. Fini le temps du « lupara », ce fusil de chasse à canon acier, arme fatale des Siciliens. Les mafias ne tuent plus. On compte moins de 15 homicides mafieux en 2022 contre près de 100 en 1981.
En revanche, l’homme d’affaires issu de la mafia hante les conseils d’administration quand il n’y occupe pas une place prépondérante, féru de technologie, exaltant toutes les formes de modernité. « Il n’est plus contre l’État. Et encore moins contre le marché, » diagnostique, en fin connaisseur, le patron italien de l’Antiterrorisme et de l’Antimafia, le procureur Giovanni Melillo.
Il y a aujourd’hui quatre mafias dans la Péninsule. L’historique Cosa nostra qui n’a plus l’hégémonie.Son dernier « capo di tutti capi » ou chef suprême, arrêté le 16 janvier, avait opéré e premier tournant anti violence en choisissant d’investir un maximum dans le secteur éolien de Sicile. Tout en participant bien sûr, mais modestement, au trafic de cocaïne. Deuxième organisation mafieuse : la Calabraise « Ndrangheta, une grande puissance, elle, disséminée sur tout le territoire et même au niveau international, et qui participe directement à la vie économique, sociale et administrative.
La Camorra, la troisième, a parfaitement intégré le tissu napolitain, devenue très affairiste et très présente dans les secteurs “Santé”, “gestion des déchets” et “bâtiment”. Enfin la Sacra corona unita (Pouilles) mélange contrôle militaire du territoire et expansion affairiste. Toutes les quatre rejettent la violence qui attire trop l’attention des forces de l’ordre. Et jouent la “normalité” des affaires.
L’Antimafia essaie de comprendre cette mutation. La “Guardia di Finanzia” (la police financière et la douane italienne) de Campanie ont lancé, il y a deux ans une enquête, auprès de 510 entreprises de la région, pour établir la biographie des dirigeants. 90 d’entre eux, venus de la “Camorra”, ont décroché des diplômes universitaires et exerçaient des fonctions parfaitement justifiées. Des enquêtes ultérieures ont confirmé le contrôle par la Camorra, à Naples, du système de santé, au niveau des embauches, des promotions, sociétés d’ambulances.
D’autres investigations à Milan ou à Rome ont révélé un intérêt pour l’agroalimentaire, la gestion des déchets, l’immobilier ou le bâtiment. Au point que “les organisations mafieuses sont aujourd’hui des composantes structurelles du tissu économique et social”, soutient Giovanni Melillo. Le magistrat suggère la naissance d’un nouveau capitalisme qui aurait intégré, la fraude, la corruption, le recyclage et le racket. Comme si l’argent pardonnait tout.