Tesla en France: Musk se fait prier
Emmanuel Macron le courtise mais Elon Musk fait grimper les enchères, avec Twitter en toile de fond. Pour accepter de contribuer à la réindustrialisation de la France, Tesla est en position de force
Le président français souhaite apparaître en champion de la réindustrialisation, l’homme d’affaires ne veut consentir à investir qu’aux meilleures conditions. Face aux médias, le jeu de rôles est bien rodé et Elon Musk, patron de Tesla, sait se faire désirer. Mais s’il a évoqué un « investissement significatif » en France, c’est une déclaration sans frais pour le milliardaire, toujours non suivie d’effet un mois plus tard lorsque, de retour à Paris dans le cadre du salon VivaTech, il s’est à nouveau entretenu avec le président français.
Au-delà des déclarations de circonstance, le milliardaire connait la valeur des atouts dont il dispose. La France n’est pas seule en lice pour profiter de la construction d’une nouvelle usine de batteries. L’Espagne est également sur les rangs. Et Elon Musk ne cache pas tenir compte de la nouvelle donne introduite aux États-Unis par l’Inflation Reduction Act (IRA), plan d’aide américain de 370 milliards de dollars destinés aux investisseurs. Aussi, même si Tesla possède déjà quatre usines outre-Atlantique, il pourrait pencher pour une implantation de plus. À bon entendeur…
Même la Chine est un concurrent pour la France puisque, en avril dernier, Tesla qui exploite déjà une usine à Shanghai a confirmé la construction sur place d’une seconde unité de production.
En outre, Elon Musk a malgré tout arbitré jusqu’à présent en faveur d’autres pays européens. D’abord, les Pays-Bas pour l’assemblage de véhicules, ensuite l’Allemagne pour la construction à terme de 500 000 voitures par an dans une usine inaugurée en mars 2022.
Déjà, lorsque la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim fut décidée, le gouvernement de François Hollande avait émis l’hypothèse que Tesla pourrait s’installer sur le site… sans succès.
Certes, outre les subventions, Emmanuel Macron peut mettre dans la balance le dossier de la régulation numérique où le propriétaire de Twitter aurait tout intérêt à obtenir un assouplissement de la position française. Mais vu la nécessité d’introduire un meilleur encadrement des réseaux sociaux, les marges de manœuvre sur ce terrain sont malgré tout limitées.
En revanche, si les constructeurs français désertent eux-mêmes l’Hexagone, c’est que d’autres paramètres n’ont pas été suffisamment pris en compte. Les voyants sont au rouge. Par exemple, selon l’Insee, la production automobile française a été divisée par deux depuis l’an 2000 et son poids au sein de l’Europe a dégringolé du deuxième au septième rang européen, à moins de 7% en volume alors que dans le même temps, l’Allemagne a conforté sa position… à plus de 40%.
En charge de ce dossier dès son accession en 2014 au poste de ministre de l‘Économie et de l’Industrie, Emmanuel Macron connait bien la problématique. Qu’est-ce qui pourrait séduire Tesla que Renault ou Stellantis n’auraient pas perçu? Peut-être la création dans les Hauts de France d’un grand pôle centré sur le véhicule électrique, où des gigafactories doivent sortir de terre.
Au-delà des opérations de communication et des ors de Versailles, la concurrence reste rude sur tout le continent. Une situation idéale pour Elon Musk s’il veut encore faire monter les enchères.
Gilles Bridier