De Niro parle à De Niro
Dans The Alto Knights, Robert De Niro incarne deux personnages mythiques du crime organisé italo-américain, Vito Genovese et Franck Costello, dans une esthétique soignée, un peu poussiéreuse, mais paradoxalement d’actualité.

Si le pitch vous intéresse, alors vous passerez un bon moment devant The Alto Knights, récit de la lutte au sommet entre ces parrains qui ont dominé le milieu de New York dans les années 1950. La production a de quoi charmer ceux qui veulent voir ce qu’ils ont déjà vu mieux réalisé et mieux raconté chez Martin Scorsese : le dédoublement de De Niro (parfaitement exécutée techniquement) est la seule originalité du film.
Est-ce vraiment étonnant d’avoir cette impression de déjà-vu quand on s’attarde sur les artisans du long-métrage ? Si les enjeux du film, à savoir le passage de relais entre deux hommes qu’une trahison a séparé alors qu’ils étaient amis depuis toujours, vous semble vu et revu, ce n’est sans doute pas un hasard. Barry Levinson, le réalisateur à qui l’on doit Rain man et Good morning Vietnam a 82 ans, tandis que le scénariste Nicholas Paggi (Les Affranchis, Casino) en a 92 ! La photographie un peu vieillotte, qui a l’air de débarquer en charentaises, est l’œuvre de Dante Spinotti, 81 ans !
S’il n’est pas une charge aussi violente que Good morning Vietnam contre l’impérialisme et la société américaine, Alto Knights remet au goût du jour des questions vieilles comme les États-Unis : en quoi la violence des immigrés italiens serait-elle plus inacceptable que celle des colons anglo-saxons ? Est-ce que le fait de pointer celle-ci plutôt que celle-là ne soulèverait pas l’hypocrisie d’une société WASP (white anglo-saxon protestant, comme les Pères fondateurs) qui ne supporterait pas de partager ses privilèges et sa richesse avec les nouveaux arrivants ?
Déjà au cœur des motivations du héros de la série culte de HBO Tony Soprano, ce leitmotiv déresponsabilisant est au cœur d’un monologue touchant d’un De Niro crépusculaire. À l’heure où les Etats-Unis réitèrent leur refus de l’étranger et pointent la violence de groupes mafieux, notamment latino, Lewinson offre un film plus en prise avec son temps qu’il n’en a l’air.
Par ailleurs, la double présence à l’écran de De Niro masque son absence totale de promotion : Warner Bros ne voulait pas que l’acteur propage sa harangue anti-Trump dans tous les médias. La major craignait-elle qu’il ne rende politique un film qui l’était déjà ?
The Alto Knights, réalisé par Barry Levinson, avec Robert De Niro et Debra Messing. En salles.