The Apprentice : naissance d’un monstre

par Malik Henni |  publié le 05/11/2024

Ali Abbasi, réalisateur éclectique, réussit le pari de retracer les débuts maladroits de Donald Trump, coaché par l’avocat véreux Roy Cohn. Une clé précieuse pour comprendre l’ascension d’un démagogue.

Ali Abbasi au gala « The Apprentice » lors du 68e BFI London Film Festival, le 15 octobre 2024. (Photo de Jeff Spicer / GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP)

Après avoir réalisé une série de science-fiction adaptée d’un jeu vidéo (The Last of Us) et un thriller sur un fanatique tueur de prostitués iraniens (Les nuits de Mashad), Ali Abbasi s’est attaqué à une autre créature effrayante, mais cette fois bien réelle : Donald Trump. Non à l’époque de sa gloire médiatique, mais au tout début de son ascension, jeune homme ambitieux qui manque de confiance en soi, jusqu’à ce qu’il rencontre son docteur Frankenstein, l’avocat véreux Roy Cohn.

Pendant la première heure du film, passionnante, Trump, débutant un peu ridicule, est mal à l’aise avec son mentor. Il est à tour à tour inculte, suppliant, spectateur d’évènements qu’il ne maîtrise pas. Démiurge du conservatisme new-yorkais, avocat délinquant au charisme redoutable, Cohn tient la vedette en qui initiant Trump au cynisme et à l’esbrouffe efficace. Contre toute attente, le magicien sauve l’entreprise familiale et place la fusée Trump sur son pas de tir.

Le récit se rabat ensuite sur un film biographique plus classique. L’action s’étend sur plusieurs années et on peine à croire à ce Donald Trump amoureux d’Ivana, dont les scènes de ménage semblent vouloir être une resucée des crises opposant Sharon Stone et Robert de Niro dans Casino (1995). Les instants d’émotion entre Donald et son frère Fred sont énigmatiques et il manque quelques clefs de contexte pour comprendre l’enjeu de la relation.

Mais on rend grâce au réalisateur de nous avoir épargné le « film Wikipédia », équivalent cinématographique des romans d’Aurélien Bellanger où l’indigestion d’information rend l’histoire indigeste. D’autant que le film est servi par une interprétation convaincante : Sebastian Stan ne mime pas mais interprète Trump, ses gestes, son phrasé prenant corps peu à peu tout au long du film, qui prend une place méritée dans la série des longs-métrages consacrés aux figures récentes du parti républicain qui permettent de comprendre la vague néo-conservatrice qui secoue la politique américaine, W. : L’Improbable Président (2008), Vice (2018). Dans cette lignée, le film d’Abbasi réussit le pari presque impossible de rendre compte de la naissance d’un monstre libéral, autoritaire, violent, dans l’Amérique de Reagan et montre pourquoi il peut entrer pour la deuxième fois à la Maison-Blanche.

Malik Henni