Thierry Beaudet, en pole position
Dans sa volonté de ne pas installer un politique à Matignon, Emmanuel Macron a sollicité le président du CESE, un pur produit de la société civile.
Il a surgi de nulle part, c’est la surprise du chef dont Emmanuel Macron a le secret. On savait que la piste d’un technocrate pour devenir Premier ministre d’un gouvernement capable de gérer une Assemblée nationale ingouvernable était une possibilité afin de fédérer des opinions politiques divergentes sur le modèle de celui de Mario Draghi du temps où l’Italie avait traversé une crise politique et financière comparable à celle de la France aujourd’hui. L’ancien gouverneur de la Banque Centrale européenne avait alors pris avec succès la tête du gouvernement pendant un an, le temps de commencer à redresser les finances du pays.
C’est pourquoi des profils similaires ont naturellement été évoqués cet été : à gauche avec Pierre Moscovici et Didier Migaud de la Cour des comptes, ou Eric Lombard de la Caisse des Dépôts ; à droite avec Jean-Dominique Sénard, président de Renault et François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France. `
Nul n’avait alors pensé à Thierry Beaudet, le discret président du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE), 62 ans, sollicité à la veille du week-end dernier pour aller à Matignon.S’il est inconnu du grand public, Thierry Beaudet a une bonne réputation dans le petit milieu de la protection sociale pour avoir notamment dirigé la Mutuelle Générale de l’Éducation nationale (MGEN). Emmanuel Macron le remarque dès 2017 lorsqu’avec son bras droit Alexis Kohler, il organise des réunions qui se déroulent bien. Alors Président de la Mutualité française, Thierry Beaudet se révèle travailleur et sérieux sur le fond, sympathique sur la forme.
Habile et intelligent, il séduit rapidement Emmanuel Macron. « Il fait partie de ceux qui ne se la jouent pas, il n’a pas la grosse tête », commente l’un de ses proches. Instituteur de formation, il est à l’aise dans le monde associatif et syndical et se montre habile en négociations. Laurent Berger, le leader de la CFDT, figure parmi ses amis. Il se dit de gauche sans pour autant adhérer à aucun parti politique. Un pur produit de la société civile comme les affectionne Emmanuel Macron.
Il ne recherche pas la lumière, mais écoute et discute beaucoup, curieux de comprendre. Il travaille, lit, rencontre des intellectuels, des scientifiques, des philosophes, ne laissant jamais rien au hasard. Il a le goût de la cité, est passionné de politique et à la recherche du contact humain. Et s’il est discret, il n’est pas timide : lors du Congrès de la Mutualité par exemple, il sait tenir une salle de plusieurs milliers de personnes et se révèle aussi charismatique qu’à l’aise en public, avec sa voix posée et sa bonne gueule.
Autant de points positifs pour Emmanuel Macron qui n’aime rien tant que d’aller dénicher de nouveaux talents de la société civile plutôt que de réchauffer d’anciens barons de la politique tels Xavier Bertrand ou Bernard Cazeneuve, tant il sait que les premiers lui seront redevables de leur nomination.
Thierry Beaudet connaît Bernard Cazeneuve, le fréquente et l’apprécie. Les deux hommes partagent peu ou prou les mêmes valeurs, voire la même ligne politique : une gauche laïque, humaniste et progressiste. Thierry Beaudet s’est ainsi prononcé contre la loi sur l’immigration, en faveur de l’IVG dans la Constitution et a impressionné, dit-on,Emmanuel Macron par son approche sur le grand âge et la fin de vie. Nul doute qu’il pourrait provoquer une conférence sociale afin de mettre sur la table les sujets des retraites et des salaires.
Parviendrait-il pour autant à tenir le cap jusqu’à affronter Emmanuel Macron si celui-ci cherchait à l’en faire dévier ? Une question pour l’instant sans réponse tant une nomination à Matignon serait pour le coureur de marathon Thierry Beaudet un saut immense dans l’inconnu. Et sans filet.
