Tondelier, la verte qui vire au rouge

par Boris Enet |  publié le 14/03/2025

A quelques semaines de leur congrès, les Verts n’échappent pas à de nouvelles divisions. Derrière les accusations d’autoritarisme visant la patronne des Verts, se dissimule une autre fracture, éminemment politique.

Portrait de Marine Tondelier, secretaire nationale du parti Europe Ecologie Les Verts (EELV). 29 janvier 2025 (Photo Bastien Ohier/Hans Lucas via AFP )

EELV a toujours aimé les courants : difficile de lui reprocher la tenue d’un débat interne riche s’il est motivé par des approches politiques singulières. Encore faut-il ne pas devenir la caricature de soi-même. Avec un nombre de militants réduit, pas moins de trois courants principaux se partagent le vote d’une sensibilité verte et de gauche qui cherche sa ligne.

Sous le sceau de l’anonymat, de nombreux militants confessent ne plus saisir le sens de la surexposition médiatique de Marine Tondelier sur une orientation qui se résume à prêcher l’unité de la gauche à tout prix. Si l’on y ajoute les remous nés de l’affaire Bayou, épisode au cours duquel un concurrent direct a été traîné dans la boue au cours d’une parodie de procès militant digne de la révolution culturelle maoïste, le parcours de Marine Tondelier à la tête du parti n’est plus un long fleuve tranquille.

Certes, la femme en vert a apporté un vent de fraîcheur pendant un temps, surjouant l’unité de la gauche et servant de trait d’union entre le fan club d’Olivier Faure et les admirateurs de Melenchonov. Mais depuis que la politique reprend ses droits, actant la fin du NFP, la fête tourne court. Ce sont surtout les accords électoraux qui assurent désormais la survie d’une formation à la santé électorale déclinante. La dernière campagne européenne a ramené les Verts à 5% des voix, loin des scores de Yannick Jadot à la présidentielle, ou de ceux des Verts allemands, pourtant traversés par une situation nationale autrement plus complexe. Qu’est ce qui coince, à l’heure de la crise climatique accélérée et des plans de transition européens ?

Comme toute la gauche, les Verts subissent le vent de la révolution trumpiste et de ses relais. Contre la science, contre la réalité du bouleversement climatique, ils peinent à convaincre alors que la guerre s’est invitée en Europe et que chacun scrute la spirale inflationniste déclenchée par la folie du Néron des Amériques. Mais il y a autre chose. Petit à petit, EELV a abandonné la gauche plurielle d’antan, le développement durable, inégal et combiné, pour succomber aux sirènes du populisme à la sauce LFI. Sous la conduite de sa cheffe, à un an des municipales, elle s’apprête à négocier des strapontins avec LFI contre le reste de la gauche, notamment contre les socialistes. Un pari osé, qui permettrait de s’implanter davantage au cœur des métropoles mis dont le prix politique et moral risque d’être élevé. Dès lors, on ne lésine pas sur les méthodes. Reprise en main de l’appareil, dénoncée par des soutiens jusqu’ici fidèles comme le maire de Grenoble, exclusions locales si nécessaires des défenseurs d’une orientation compatible avec la gauche non populiste comme à Montpellier, vague de cartes d’adhésions à 1 euro, les couacs se multiplient et font fuir les plus anciens, qui ne sont pas les moins convaincus.

Pas de quoi déstabiliser une communication désormais bien rôdée, fondée sur les réparties cathodiques de Marine Tondelier. Mais l’image est abimée. Même parmi les grands maires écologistes, de Bordeaux, Lyon ou Strasbourg, signataires de la plate-forme majoritaire, le « collectif », les critiques se font jour sans même parler du courant de Sandrine Rousseau « Radicalement vôtre » – cela ne s’invente pas – dont la proximité avec le populisme insoumis est un secret de polichinelle

C’est en tout cas l’une des explications de la dégringolade électorale des Verts, qui ont désormais besoin de la béquille des autres pour conserver un groupe parlementaire et quelques places fortes urbaines. Mais les faits sont têtus : l’europhilie des écologistes est-elle compatible avec une formation nationale-souverainiste rejetant l’adhésion de l’Ukraine à l’Union et à laquelle Marine Tondelier ne cesse de faire les yeux doux ? La formation de l’ancienne icône, Dany le rouge puis le vert, peut-elle s’associer avec un groupe dont l’antisémitisme pratique est devenu un des fonds de commerce ? Il faudra bien un jour cesser d’ajourner la question.

Boris Enet