« Toxique »

Le célèbre dictionnaire d’Oxford ne s’y était pas trompé en le désignant « mot de l’année 2018 » tant il a pris une place essentielle dans le vocabulaire courant. À l’origine, « toxique » vient, qui du grec toksikos ou toxikon pharmakon, signifie « poison dont on imprègne une flèche ». Il désigne, plus simplement, ce qui est vénéneux, empoisonné ou ce qui peut nuire à une personne.

De nos jours, ce mot est utilisé pour désigner une personne ou une relation dont l’influence est psychologiquement nocive, pernicieuse.

L’utilisation de cette expression a commencé à se répandre dans les manuels de coaching et de développement personnel à partir des années 1980, principalement aux États-Unis. La toxicité peut se manifester par une relation amoureuse ou filiale compliquée, un management au travail trop dur, des différences de traitement entre les sexes ou de mauvaises expériences passées qui ressurgissent.

L’emploi à tout va du terme « toxique » est contre-productif. Il reflète notre capacité à avoir des ennuis via nos propres actions et rencontres. Si, à l’origine, la toxicité était le résultat d’une flèche empoisonnée, elle est aujourd’hui le fruit d’un mot, d’un discours ou d’un individu. La facilité consiste à désigner comme « toxique » ce que nous ne voulons pas assumer. Il suffit d’une émotion négative ou d’une relation compliquée pour accuser la personne en face d’être « toxique », et donc s’épargner une remise en question.

C’est le symbole d’une époque où l’on passe son temps à se plaindre de la société et de l’injustice du monde, des autres sans se remettre en question soi-même. C’est aussi une façon binaire d’envisager le monde qui ne laisse aucune place à la nuance.

Pire, le mot peut devenir infamant de nos jours à l’heure de la « cancel culture « et avoir des conséquences durables. Une fois que l’étiquette toxique est accolée à une institution ou à une personne, elle est souvent utilisée pour la rendre indigne.