Transition énergétique : l’incohérence au pouvoir

publié le 08/05/2023

Alors que les décisions à venir sur l’énergie seront déterminantes pour l’avenir du pays, le gouvernement et la majorité agissent dans le plus grand désordre. Par Jacques Roger-Machart.

Jacques Roger-Machart

Les engagements pris par la France, tant en conclusion de l’accord de Paris pour le climat, que vis-à-vis de l’Union européenne et des exigences de son « Green Deal » auraient demandé une stratégie claire et démocratiquement approuvée non seulement par le gouvernement, mais aussi par le parlement.

Or nous évoluons dans la plus grande incohérence, entre rapports divers et variés, discours disparates du président, consultations et votes de lois traitant d’aspects partiels de la stratégie. Une incertitude qui contraint les acteurs à miser sur de simples probabilités de décisions.

Le Conseil National de la transition écologique « alerte sur la dégradation du dialogue pour lequel… il a été créé .

Qu’on en juge :  

  • Le Parlement vote une loi d’accélération des énergies renouvelables qui n’est qu’un galimatias de dispositions réglementaires compliquant encore davantage les avancées.
  • Il examine un projet de loi sur l’accélération du nucléaire alors que le programme n’en est pas formellement décidé.
  • La Commission nationale du débat public publie un rapport sur les nouveaux réacteurs nucléaires projetés à Penly alors qu’ils ne sont pas encore programmés.
  • Dans un avis portant sur le projet de loi relatif à l’industrie verte, le Conseil National de la transition écologique « alerte sur la dégradation du dialogue pour lequel il a été créé ».

Tout ceci est d’autant plus incohérent que le Parlement ne décidera qu’au printemps prochain la programmation pluriannuelle de l’énergie pour les cinq prochaines années ; celle-ci devrait normalement suivre l’adoption d’une stratégie énergétique à long terme définissant respectivement les options des           énergies renouvelables et du nucléaire … alors que le Président de la République en a déjà affiché ses options il y a plus d’un an, le 10 février 2022, dans un discours à Belfort !

Alors que ces choix seront déterminants pour l’avenir du pays, très coûteux en financements (au moins de l’ordre de 50 milliards d’euros par an pendant 30 ans) et modifieront significativement nos modes de vie, on s’enferme dans des processus de décision incohérents !

Nous avançons dans un désordre qui provoque des rejets dans l’opinion et affaiblit le rayonnement international de notre savoir-faire électronucléaire !

La logique aurait voulu qu’on ait d’abord élaboré une stratégie nationale bas carbone présentant différentes options selon les hypothèses, que cette stratégie fût soumise au Parlement pour en délibérer, que sur la base de ses perspectives à long terme (2050), on ait ensuite soumis un projet de loi sur la programmation de l’énergie sur cinq ans, puis qu’on se soit enfin préoccupé de la mise en œuvre des projets et, sous l’égide de la Commission nationale du débat public, de leur acceptabilité.

 Il n’en a rien été : nous avançons dans un désordre qui provoque des rejets dans l’opinion et affaiblit la crédibilité de nos options et le rayonnement international de notre savoir-faire électronucléaire ! Même nos partenaires de l’UE ne sont pas convaincus de la fiabilité de nos options.

Tout ceci est bien triste, car pourtant nous disposons d’une remarquable compétence industrielle pour répondre aux enjeux de la décarbonation qui gagnerait en crédibilité si elle était convenablement assumée par le pays et par l’Union européenne.

Jacques Roger-Machart

Ancien député

Auteur de « Progressistes pour le climat » – Éditions Atlande