Très chère défense…
Pour financer le réarmement, les travaux pratiques n’ont pas encore commencé. Il faut réviser la loi de programmation militaire et trouver les crédits nécessaires : ce sera douloureux.

Pas moins de 413 milliards d’euros ! C’était déjà beaucoup et correspondait aux dépenses de l’Etat prévues dans la loi de programmation militaire pour les sept années de 2024 à 2030. Il s’agissait de « faire face aux nouvelles menaces qui pèsent sur la France », avait déclaré le ministre de la Défense Sébastien Lecornu. Mais après la volte-face des États-Unis en plein conflit russo-ukrainien, la menace a changé pour l’Union européenne et la France est concernée. Il s’agit toujours de réarmer les forces françaises à horizon 2030, mais à un rythme d’enfer…
Pour 2025, le budget de la Défense a été validé à 50,5 milliards d’euros, et la loi de programmation prévoyait une progression de 3 milliards par an pour atterrir autour de 66 milliards en 2030. Avec le nouvel objectif avancé par le ministre de 100 milliards d’euros par an (pas pour l’an prochain, mais par étapes), c’est une augmentation de l’ordre de 50% à laquelle la France devrait consentir à l’échéance 2030. Un changement d’échelle qui s’opérera forcément dans la douleur.
Depuis que l’Europe a décidé de renforcer sa défense, les chiffres valsent. Ils servent aussi à bâtir une communication sur la capacité de résistance de l’Union européenne. Dans son « livre blanc » présenté le 19 mars, la Commission européenne prévoit un emprunt de 150 milliards d’euros dont pourront profiter les membres de l’Union, mais les prêts qui seront accordés devront être remboursés par les pays bénéficiaires. Elle avance aussi une capacité d’emprunt des membres de 650 milliards d’euros, qui tient seulement compte des possibilités de chacun de s’endetter pour sa défense. Certes, les sommes qui seront ainsi dégagées ne seront pas comptabilisées dans les critères de Maastricht sur les déficits publics (jusqu’à 1,5% du PIB), mais seulement pendant quatre ans. Bref, lorsqu’on fait le bilan, Bruxelles renvoie la patate chaude aux membres de l’Union, et n’a pas prévu de lancer un grand emprunt de plusieurs centaines de milliards d’euros comme ce fut le cas pour lutter contre la pandémie de Covid.
La capacité de résistance de l’Union européenne ne viendra que de la capacité de ses membres à se mobiliser. Sur un plan financier, la Pologne est déjà en ordre de marche, l’Allemagne opère une spectaculaire volte-face, la Finlande, la Suède et les états baltes n’ont pas tergiversé pour se mobiliser… Pour la France, on connaît maintenant la hauteur de l’engagement. Et ceci n’a rien à voir avec le fonds d’investissement présenté le 20 mars par le ministre de l’Économie Eric Lombard et géré par la banque publique d’investissement BPI France. Les épargnants français pourront y souscrire, mais il sera limité à 450 millions d’euros destinés à étoffer les fonds propres des entreprises d’armement pour qu’elles développent leurs capacités de production. Car avant de réarmer, il faut produire. Et, pour cela, soutenir l’effort d’adaptation des quelque 4500 entreprises du secteur. Mais ce n’est guère plus qu’une goutte d’eau dans un océan de milliards lorsqu’il faudra honorer les contrats!
Ainsi, avant même que le ministère de la Défense ne pioche dans des ressources dont il ne dispose pas, on estime que 5 milliards d’euros seront nécessaire pour que ces entreprises montent en régime. D’où l’obligation, pour faire baisser les coûts unitaires, de nouer des coopérations… quitte à partager la maîtrise de certaines productions. Ce que les industriels de l’armement, qui ne sont plus des arsenaux aux ordres de leur tutelle, ont toujours rechigné à accepter. Mais ont-ils encore le choix ?