RETRAITES… l’autre solution.
Massive, résiliante, unitaire et juste, la protestation en cours contre le projet de réforme des retraites ne peut éluder une question décisive : que ferait un gouvernement de la gauche responsable en lieu et place du projet Macron ?
C’est le rôle du courant social-démocrate que de formuler un contre-projet, crédible, social et adapté aux nouveaux enjeux.
D’abord une évidence : cette gauche au pouvoir ne ferait pas comme Macron.
Le recul de l’âge de départ frappe en priorité les classes populaires, celles dont l’espérance de vie est de loin la plus courte. Le gouvernement annonce qu’il prendra en compte la pénibilité des métiers. Mais ses propositions sont insuffisantes : il a fait quelques concessions, mais les inégalités d’espérance de vie entre classes sociales sont très partiellement prises en compte.
Les travailleurs les plus modestes supporteront ainsi le poids principal des sacrifices demandés, alors que beaucoup de salariés mieux payés, plus diplômés, ayant commencé à travailler plus tard, partent après 63 ans et seront donc épargnés par la réforme. D’où notre refus.
Mais cette gauche du réel n’adopterait pas non plus la position défendue par LFI
Le retour du départ à 60 ans avec 40 années de cotisations pour un retraite à taux plein, auquel s’ajoutent la prise en compte de la pénibilité et le relèvement du minimum vieillesse, n’est pas raisonnable à moyen terme. Tout gouvernement crédible doit tenir compte de l’augmentation du nombre des retraités par rapport à celui des actifs, consécutive au vieillissement de la population et à l’allongement de l’espérance de vie. Nier cette réalité revient à imposer un fardeau excessif aux générations plus jeunes, alors qu’il leur faudra aussi financer, entre autres, la dépendance du grand âge, la mutation écologique et le relèvement des services publics.
Ni Macron, ni Mélenchon, donc. Alors quel projet ?
Contrairement à une idée reçue, la gauche de gouvernement a déjà agi, à travers la réforme Ayrault-Touraine de 2013, qui conjugue réalisme et justice sociale. Pour limiter les déficits, elle a adopté le principe d’un départ à 62 ans avec 43 années de cotisations ; pour rendre le système plus juste, elle a prévu un départ à 60 ans pour les très longues carrières et défini des critères de pénibilité pour permettre aux travailleurs soumis à des métiers usants de partir plus tôt. Emmanuel Macron a maintenu l’effort demandé mais, sous la pression du Medef, il a abandonné la moitié des critères de pénibilité, vidant de sa substance le volet « justice sociale » du dispositif.
La première mesure consiste donc à refuser tout report supplémentaire de l’âge de départ et à rétablir le volet pénibilité, de manière revenir à l’équité et à rendre justice aux classes populaires en tenant compte des différences d’espérance de vie entre les catégories sociales.
On dira que ces mesures ne suffisent pas à équilibrer le système et c’est un fait que le Conseil d’orientation des retraites (COR) annonce le retour des déficits à brève échéance.
Comment conjurer cette menace ?
Comment conjurer cette menace ?
Par trois actions :
Une fois l’injuste mesure d’âge écartée, il devient possible de négocier avec les syndicats une application plus rapide des 43 années de cotisation. Telle est la méthode sociale-démocrate : faire fond sur la négociation avec les partenaires sociaux.
On sait que les profits des entreprises ont en moyenne progressé nettement ces dernières années, parfois dans des proportions choquantes et que celles-ci ont bénéficié sous Macron de réductions fiscales substantielles. L’esprit de justice, là aussi, légitime l’accroissement d’un demi-point de la cotisation patronale sur les retraites, qui améliore les comptes sans obérer la compétitivité de l’économie. Une mesure qu’Emmanuel Macron a récusée d’emblée au nom du dogme libéral.
Enfin, à plus long terme, nous proposons que la France s’attaque sérieusement à l’un de ses principaux handicaps : la faiblesse du taux d’emploi global de l’économie, c’est-à-dire de la proportion de la population qui dispose d’un travail et donc d’un salaire donnant lieu à cotisations sociales, principal moyen d’équilibrer le système.
Cette anomalie frappe particulièrement les travailleurs de plus de cinquante ans, que les entreprises tendent à faire partir pour les remplacer par des salariés plus jeunes au salaire plus bas.
Comment faire ?
Les moyens existent : un bonus-malus sur l’emploi des seniors, des sanctions financières, un élargissement des dispositifs d’emploi-retraite, etc. Là aussi, la réforme sera précisée par la négociation.
D’une manière plus générale, il s’agit de revaloriser le travail, par de meilleurs salaires, par un accroissement de la représentation des salariés dans les organes dirigeants, à l’image de ce qui se passe en Allemagne, et enfin par l’extension vigoureuse des principes de la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise, qui rende son sens au travail dans le secteur privé.
Les sociaux-démocrates ne croient pas à la « fin du travail » prophétisée par certains courants, notamment parmi les écologistes. Au contraire…
ils se soucient d’abord de répondre aux inquiétudes des classes populaires, qui ne souhaitent pas vivre de subventions mais croient bien au contraire à la dignité du travail, source d’émancipation dès lors qu’il est correctement payé et qu’il prend un sens pour la collectivité.
Entre Macron l’injuste et Mélenchon l’irréaliste, il y a un chemin : celui de la réforme sociale-démocrate.