Trois femmes douces et fortes
Le cinéma indien est mondialement connu pour ses films « Bollywood » conçus à la chaîne à Bombay. On le voit rarement à Cannes en compétition officielle. Et pourtant cette année, All we imagine as light a frappé les esprits et remporté le grand prix du jury. À juste titre.
C’est la revanche du cinéma d’auteur sur Bollywood, et ce d’autant plus que le film se passe à Bombay. La réalisatrice Payal Kapadia avait déjà impressionné Cannes, il y a trois ans, en présentant à la Quinzaine des réalisateurs, Toute une nuit sans savoir. Un brûlot contre le pouvoir ultra nationaliste hindou du président Modi, doublé d’une relation amoureuse et militante. Bref, Payal Kapadia ne filme pas pour ne rien dire.
Cette fois, All we imagine as light ne prend pas de front le pouvoir. Mais de façon subtile, la réalisatrice montre et dénonce la situation des femmes dans l’Inde d’aujourd’hui. Elles sont trois qui travaillent dans le même hôpital de Bombay. Prahba, infirmière, a été mariée sans qu’elle ait eu son mot à dire, avec un homme qu’elle a à peine connu et qui est parti aussi sec vivre et travailler en Allemagne. Elle n’en a aucune nouvelle. Pour autant, malgré les avances discrètes d’un médecin, elle n’entend pas céder. Prahba est plutôt du genre réservé, voire sévère. Elle ne va pas boire des verres à la fin de la semaine avec les collègues.
Tout le contraire de sa colocataire Anu, qui s’ennuie au guichet du même hôpital. Anu aime faire la fête et ne s’embarrasse pas de préjugés. Mais elle est obligée de se cacher pour voir son amoureux, lequel est musulman, ce qui serait très mal vu par ses collègues si l’affaire venait à s’ébruiter. Prahba n’apprécie pas trop les écarts d’Anu qu’elle finit par découvrir, mais elle décide de la protéger.
Parvaty, la troisième héroïne de cette histoire, plus âgée, travaille comme cuisinière dans le même établissement hospitalier. Elle est menacée d’expulsion de son logement, l’immeuble où elle vit étant promis à la destruction par les promoteurs immobiliers. Elle est prête à se résigner mais c’est compter sans ses collègues qui se lancent dans un combat pour sauver l’immeuble de la destruction.
La première partie, à Bombay, filme une ville nerveuse, agitée, bruyante mais aussi, pour peu qu’on y prête attention, poétique et attachante. Dans la seconde partie, les trois femmes partent ensemble au bord de la mer, dans le village natal de Parvaty. S’ouvre alors un épisode où la parole se délie, où les émotions remontent à la surface, où les vérités s’expriment. Une belle leçon de vie. Et de cinéma …
Payal Kapadia, All we imagine as light avec Kani Kusritu, Divya Prahba, Chhaya Kadam, 1h55