Trois fois de droite
Le gouvernement de Michel Barnier consacre le vieux rêve d’Emmanuel Macron : rapprocher la macronie des Républicains. Une alchimie périlleuse élaborée sous la tutelle bienveillante du Rassemblement National.
Ce n’est pas encore l’union des droites mais on s’en approche. Le rêve que caressait un Eric Zemmour lors de sa campagne pour l’élection présidentielle de 2022, réunir les droites pour éliminer la gauche, Emmanuel Macron est-il sur le point de le réaliser ? C’est aller vite en besogne : le Rassemblement n’est pas encore un acteur. Mais c’est un arbitre.
Il l’a été, puisqu’après avoir mis son veto à la nomination de Xavier Bertrand, c’est son feu vert à celle de Michel Barnier qui a permis au savoyard d’accéder à Matignon. Il ne suffisait en effet pas à Marine Le Pen que le Premier ministre provienne des rangs des LR, le seul parti qui n’avait pas appelé au front républicain contre elle, encore fallait-il que la personnalité lui convienne. Michel Barnier ayant eu ses faveurs, il a pris soin à son tour de ne pas la fâcher en éliminant d’office du gouvernement les bêtes noires de la leader du RN, outre Xavier Bertrand, Eric Dupond-Moretti et Gérald Darmanin.
La tutelle bienveillante du Rassemblement national acquise, il restait au nouveau locataire de Matignon à réaliser une alchimie complexe, alliant les LR de son camp à la droite des macronistes, afin de pouvoir gouverner sur la base du programme élaboré par ses amis, le fameux « pacte législatif » présenté par Laurent Wauquiez. Si l’on considère qu’Horizons est aujourd’hui plus proche des LR que des macronistes, tant Edouard Philippe a assuré Michel Barnier de son soutien, l’équilibre paraît presque parfait. Le gouvernement de Michel Barnier compte 12 Ensemble, 10 LR et 2 Horizons, soit en réalité 12 à 12 si l’on additionne les deux derniers.
On peut objecter que trois femmes macronistes ont une sensibilité de gauche : Agnès Pannier-Runacher, membre de Territoires de progrès, à la Transition écologique, Astrid Panosyan-Bouvet, issue de la gauche, au symbolique ministère du Travail, du Plein Emploi et de l’Insertion et Olga Givernet à l’Energie. « Elles se disent de l’aile gauche mais elles n’ont pas été de nos combats », regrette en réalité Ludovic Mendes, le gardien du temple sur le sujet. Quant à Didier Migaud à la Justice, il apparaît comme une brebis égarée dans l’attente assurent les mauvaises langues, d’un poste plus prestigieux au Conseil Constitutionnel.
Comment pourrait-il en être autrement ? Le symbole le plus fort, qui incarne l’idéologie de ce gouvernement, c’est la nomination de Bruno Retailleau, qui a présidé pendant dix ans au Sénat le puissant groupe UMP puis Les Républicains, emmenant dans son sillage les quelque 135 sénateurs de droite que compte le palais du Luxembourg. A peine accède-t-il à la tête du très puissant ministère de l’Intérieur que le sénateur de Vendée assure : « les forces de l’ordre peuvent compter sur moi ». De quoi alimenter les craintes de ceux qui redoutent la multiplication des contrôles au faciès.
Il n’est pas le seul. Tandis que François Bayrou avait appelé de ses vœux à un changement complet des membres du gouvernement, trois d’entre eux, issus de LR avant de rejoindre les rangs d’Emmanuel Macron, subsistent. Outre le reconnu Sébastien Lecornu aux Armées et Catherine Vautrin qui reprend les territoires et la décentralisation, l’inattendu maintien de Rachida Dati à la Culture porte l’ombre tutélaire de Nicolas Sarkozy sur le gouvernement.
De droite avec l’imprimatur du RN, de droite avec l’aile la plus à droite de la macronie et enfin de droite avec des LR symboliques comme Retailleau ou Dati, le gouvernement de Michel Barnier n’a rien de pluriel ni d’équilibré.