Trump, agent de Moscou ?

par Emmanuel Tugny |  publié le 14/02/2024

En promettant d’abandonner les pays qui ne paieraient pas leur cotisation à l’OTAN, le fol ondulé apporte à Poutine une aide inattendue.

Donald Trump en meeting

Le 10 février dernier, devant son public à Conway, en Caroline du Sud, Donald Trump rejoue théâtralement une scène au cours de laquelle il aurait sommé un membre de l’OTAN de régler son dû à l’organisation. En le menaçant, non seulement de retrait, mais d’encouragement aux agressions russes à son encontre, il aurait obtenu en retour, en « artiste du deal », le versement empressé de la « cotise » du mauvais payeur. Magistral !

Il faut en premier lieu y voir un mensonge fondé sur des mensonges.

Mensonges

Le mouvement de convergence des membres de l’OTAN vers le respect de ses exigences budgétaires date du début des années 2010, avec une accélération après l’annexion de la Crimée. Elle tient au constat du changement de stratégie de Moscou vertement annoncé à Munich dès 2007, pas à l’ogre blond.

S’agissant du niveau de participation budgétaire des États-Unis, dont Trump use pour chauffer à blanc ses convertis et justifier ses foucades, il doit être relativisé.

En premier lieu, il doit être rapporté au volume des dépenses nationales américaines (quelque 886 milliards de dollars pour 2024 – 3,49 % du PIB du pays – pour un financement direct à l’OTAN à hauteur de 22 % de son budget de 3,3 milliards d’euros) et …aux gains considérables de l’industrie de guerre américaine en Europe.

Les experts jugent que les USA contribuent à hauteur de 50 % au budget de l’OTAN: c’est sans doute trop aux yeux du redneck républicain, mais pas aussi exorbitant que l’affirment les administrations américaines successives depuis plus de vingt ans.

Les USA paient, mais reçoivent

Trump oublie également la nécessité pour son pays de pouvoir compter sur l’Europe – et sur la toujours atlantiste Turquie- comme zone d’interception, dans l’hypothèse de l’utilisation d’armes de longue portée, notamment iraniennes. Les USA ne sont pas otaniens par philanthropie. S’ils paient, ils reçoivent.

Et cette incitation de la Russie à envahir les « mauvais payeurs » ? Raptus de matamore ou plutôt lapsus ? Si Trump improvise toujours pour le pire et si le dialogue rejoué à Conway – imaginaire, à en croire les conseillers de l’époque – est juste un cliché d’épicier, il n’en dit pas moins le vrai : comme le pitre des foires d’antan, Trump sert son escroc, et son escroc… c’est Poutine !

L’Occident décadent

Car Moscou biche en le voyant menacer l’OTAN, bloquer les budgets prévus pour l’Ukraine au mépris des pertes humaines prévisibles, bouder Zelensky le président de l’Ukraine, viser la Chine en « l’oubliant » et souffleter l’État de droit ! Non seulement Poutine peut voir en Trump son « infiltré » géopolitique – un méchant plus méchant que lui au moment où Moscou propose de réconcilier les parties au Moyen-Orient – mais il peut aussi en faire, en pleine période « électorale » russe, un équivalent éthique réactionnaire. Trump lui sert ainsi à valider, au faîte de l’occident décadent, ses thèses civilisationnelles archaïques !

Oui, ce que vend Poutine urbi et orbi, Trump le vend à l’Amérique : il est ce « confrère » cynique qui subordonne comme lui le sort des peuples à son caprice viriliste et à ses intérêts (le temps d’une campagne, car Trump en campagne n’est pas Trump sous tutelle de son administration). Oui, Donald John rend sur tous les plans un fier service à Vladimir Vladimirovitch !

Alors, agent, sans doute pas, mais collabo sûrement…

Emmanuel Tugny

Journaliste étranger et diplomatie