Trump invincible ?

par Laurent Joffrin |  publié le 02/08/2023

Plus l’ancien président ment, plus il conforte sa place de favori des primaires républicaines. Une équation que la gauche américaine peine à résoudre…

Laurent Joffrin

Combien faudra-t-il de révélations, d’enquêtes, d’inculpations, pour que la menace Trump soit enfin levée et que les États-Unis redeviennent une démocratie digne de ce nom ? Beaucoup, et peut-être jamais assez…

Pour la troisième fois, l’ancien président vient d’être inculpé par la justice américaine, cette fois pour sa tentative de rester au pouvoir malgré sa défaite et pour son rôle dans l’assaut lancé en janvier 2021 par ses partisans contre le Capitole, où se déroulait la certification de la victoire de son adversaire Joe Biden. 

Les éléments réunis par le procureur Jack Smith sont accablants : le discours de Trump était notoirement factieux ; le président sortant est resté inerte alors que des violences meurtrières se commettaient en son nom ; il a continué, après l’irruption de ses partisans fanatisés dans le sanctuaire de la démocratie américaine, à faire pression sur les sénateurs pour qu’ils refusent de ratifier l’élection de Joe Biden. À l’appui de ses dires, le procureur Jack Smith a produit tous les documents nécessaires. Et, surtout, il n’a pas agi seul : conformément à la loi, c’est un jury populaire de 23 citoyens qui était chargé de décider de l’inculpation de l’ancien président, ce qu’il a fait.

Cela suffira-t-il ? Rien n’est moins sûr. Se gardant d’argumenter sur le fond, Trump a fait répondre par une communicante que ces accusations rappellent les méthodes de l’Allemagne nazie ou, au choix, de la Russie stalinienne. Argument qui semble à même de convaincre ses partisans : dans les sondages, Trump reste le grand favori des primaires républicaines qui commencent dans moins de six mois.

Selon une tactique éprouvée, il a de nouveau fait appel aux dons pour affronter ce nouvel épisode judiciaire. Pourquoi se priverait-il ? Selon ses comptes de campagne, il a déjà reçu quelque 40 millions de dollars de chèques de soutien, alloués par le peuple trumpiste pour faire face à la justice. Non seulement ses électeurs croient dur comme fer aux balivernes qu’il ne cesse de déverser sur les réseaux sociaux, mais ils sont prêts à mettre la main à la poche pour voler au secours de ce milliardaire dans le besoin…

On l’a compris depuis un certain temps : les électeurs trumpistes – qui se comptent par millions – sont imperméables à toute argumentation rationnelle. Ils voient en Trump l’interprète flamboyant de leur peur du changement, de leur détestation du féminisme et du « wokisme », de leur climato-scepticisme, de leur hantise du déclin américain, de leur angoisse face à l’immigration.

Les mensonges de l’ancien président les indiffèrent : il lui suffit d’aller dans leur sens pour que tout critère de vérité soit aboli. En un mot, ils évoluent dans un monde alternatif, confortés par les boucles uniformes des réseaux sociaux, persuadés une fois pour toutes que les élites sont liguées contre eux, que les démocrates conspirent à leur perte, que tout média qui dit du mal de Trump est partie prenante du complot. Pour battre Trump, Joe Biden avait renoué les liens des démocrates avec les syndicats ouvriers et les associations de défense des minorités. Il avait ainsi détourné du vote républicain une partie des classes populaires américaines. Cela suffira-t-il cette fois-ci ? C’est la question qui se pose à la gauche. Pas seulement aux États-Unis.

Laurent Joffrin