Trump : l’absurde révolution commerciale
Effet pervers garanti : le protectionnisme radical de l’administration Trump annonce une baisse du niveau de vie aux États-Unis et un ralentissement de la croissance dans le monde.

Des mesures « stupides » (c’est le mot du Wall Street Journal), elles-mêmes appuyées sur des calculs farfelus (c’est la conviction de tous les économistes à l’exception des trumpistes). C’est ainsi que le monde du business – qui sait en général où se trouve ses intérêts – accueille le plan Trump d’augmentation radicale des droits de douane frappant les produits qui entreront à l’avenir aux États-Unis.
Un jour peut-être, la résilience de l’économie américaine aidant, on s’apercevra que le mercantilisme de Donald Trump n’a pas eu les effets désastreux qu’on anticipait, pour les États-Unis en tout cas. À l’abri de ces barrières tarifaires, les entrepreneurs yankees sont assez énergiques et inventifs pour s’adapter à la nouvelle donne et surmonter la hausse générale des coûts de production engendrée par le renchérissement des importations. Mais dans l’immédiat, le monde regarde ce tournant qui nous ramène aux années trente avec un mélange d’incrédulité et de consternation. Car à chacun des arguments invoqués par l’administration s’oppose une réalité rétive.
En prélevant au moins 10% de taxes sur les marchandises étrangères, souvent beaucoup plus (de 25 à 50% selon les zones et les produits), l’administration américaine prévoit d’engranger une manne financière. Ce qu’elle oublie de préciser, c’est que la hausse des prix provoquée par cette imposition nouvelle sera acquittée in fine par les consommateurs. Trump annonce une baisse des impôts mais il commence par les augmenter par la bande. Ses électeurs s’en rendront compte quand ils verront les étiquettes valser dans leurs supermarchés. Trop tard : croyant se protéger, les dévots du MAGA soutiennent en fait une baisse générale du niveau de vie dans leur pays. Mais comme ils croient aux vérités alternatives diffusées par les médias trumpistes, ils paieront la note sans rechigner…
En étudiant le tableau brandi par le président à la mèche blonde, chacun a constaté que les taux de taxations des produits américains à l’étranger évalués par l’administration républicaine sont plusieurs fois supérieurs aux taux réels. On comprend, réflexion faite, qu’ils ont été calculés au pif, de manière à justifier les hausses de droits de douane frappant les importations. Nous passons de Ricardo à Orwell : la propagande trumpienne bâtit un monde imaginaire qui lui permet de légitimer sa politique protectionniste aux yeux de l’opinion américaine.
Trump annonce un nouvel âge d’or de profits et de prospérité générale. Tous les autres analystes s’accordent pour estimer que cette politique de fermeture entraînera une baisse de la croissance dans le monde, notamment aux États-Unis. On ne bouleverse pas impunément des chaînes de valeur internationalisées depuis belle lurette : il faudra du temps aux autres économies pour qu’elles retrouvent leurs marques et conquièrent de nouveaux débouchés ailleurs qu’aux États-Unis.
Une seule nuance dans ce tableau sinistre de l’avenir économique. Au cours de sa prestation, Donald Trump a fait monter sur scène un ouvrier de Detroit, naguère puissante capitale de l’automobile américaine. Il est probable que les constructeurs américains, plus chers que leurs concurrents et mal adaptés aux contraintes d’environnement, trouveront un ballon d’oxygène en voyant les prix des voitures importées soudain accrus. Désormais, le trumpiste de Detroit a plus de chances de conserver son job. C’est sans doute le sens profond de la révolution trumpiste : heurtés par la mondialisation, ouvriers et employés verront dans la fermeture des frontières commerciales une chance de salut.
Voilà qui devrait faire réfléchir le parti adverse, celui d’une mondialisation sans frein : au nom de la croissance et de l’échange, il a jeté dans le désarroi une bonne partie des classes populaires des pays développés, qui se sont tournés vers les nationalistes et leurs illusoires panacées. Le Michigan, dont Detroit est la ville principale, votait traditionnellement démocrate. Il a basculé vers le mouvement MAGA à la dernière présidentielle. Tel est le mécanisme qui explique, pour une bonne part, la montée des partis nationalistes dans les démocraties. L’occasion d’un examen de conscience ?