Trump : l’arme du dollar
Pour gagner la guerre économique le président américain ne compte pas seulement sur les droits de douane. Il jouera aussi la manipulation monétaire.

Au départ, il y a la dette pharaonique des États-Unis – plus de 36.100 milliards de dollars – qui représente plus de 122% du PIB du pays (contre moins de 70% en 2008 avant la crise des « subprimes »). Une dette monstrueuse qui génère près de 1.000 milliards de dollars d’intérêts chaque année. Les États-Unis consomment beaucoup plus qu’ils ne produisent, et dépensent surtout beaucoup plus qu’ils ne reçoivent.
Pour pousser les feux de la production, Joe Biden avait instauré l’Inflation Reduction Act (IRA), qui devait attirer les investisseurs aux États-Unis. Lorsqu’il relève les droits de douane, les fameux « tariffs » destinés à renchérir les prix des produits importés, Donald Trump ne rompt pas avec cette stratégie. Pour obliger les industriels étrangers à produire sur place, le président américain assume une augmentation des prix des produits importés. Les consommateurs américains craignent-ils l’inflation ? À eux de se tourner vers le « made in USA », contribuant ainsi à faire tourner l’économie. Avec le « America First » présidentiel, le libre-échange a vécu. Et avec la baisse du dollar qui résultera de l’inflation, ce « made in USA » va aussi être plus compétitif sur les marchés à l’exportation. Un bonus pour la production.
Tel est le pari de Trump, qui dispose d’un atout dans sa main : l’énergie qui alimente les usines à bas prix. Les États-Unis n’ont pas besoin de l’importer puisqu’ils sont les premiers producteurs de pétrole au monde et que l’énergie sur place est trois à quatre fois moins chère qu’en Europe. De quoi attirer les investisseurs étrangers qui voudraient exporter depuis l’Amérique. Les enjeux environnementaux? Qui s’en soucie à la Maison Blanche, dont on connaît le mot d’ordre : « forer et forer encore ! »
Pour le reste, le gouvernement Trump compte bien « dealer » pour obtenir des accès privilégiés aux ressources qui manquent au pays, comme on l’a vu avec l’Ukraine pour profiter de ses terres rares ou avec le Groënland pour disposer de ses ressources minérales. Pour Trump, vive les droits de douane et le dollar faible ! La guerre économique est déclarée et son arme monétaire est déjà entrée en action.
Le problème, ce sont les mesures de rétorsion que prendront les anciens partenaires de l’Amérique. Car elles peuvent ruiner l’avantage compétitif apporté par l’affaiblissement du dollar. Le bras de fer est engagé : si les Européens et les Chinois répliquent en relevant les taxes sur les produits américains, Washington augmentera encore plus ses « tariffs ». Ce sera la loi du plus fort et qui tiendra le plus longtemps.
Les États-Unis ont-ils suffisamment de munitions ? Face à la montagne d’intérêts générés par la dette et remboursés par l’emprunt, ils ne peuvent se permettre d’entamer la confiance que le monde entier porte au dollar. Plus la défiance s’installera, plus les taux d’emprunts seront élevés, et plus lourds seront les intérêts. Mais une partie de cette dette est détenue par des étrangers, institutions et épargnants chinois, japonais et, dans une moindre mesure, européens. En se détournant du dollar, ils se pénaliseraient eux-mêmes. C’est le pari de Trump. Pour l’instant, la Fed, la banque centrale américaine chargée de la maîtrise de la monnaie, s’oppose à cette stratégie. Jusqu’à quand?
Ainsi Donald Trump tient-il aujourd’hui en otages les détenteurs de bons du Trésor américains, contrains de soutenir le dollar comme ils l’ont déjà fait lors de la crise de 2008. Quant aux banques centrales, dont une partie des réserves monétaires sont en dollar, elles ont tout à craindre d’un effondrement de la monnaie américaine. « Le dollar, notre monnaie, votre problème », avait lâché le ministre des Finances de Richard Nixon dans les années 1970. Certes, mais la crise de 2008, après celle des valeurs technologiques en 2000, a montré que les États-Unis ne sont pas à l’abri de dépressions économiques. Alors, le dollar peut aussi devenir le problème des États-Unis.