Trump : le programme d’un dictateur

par Laurent Joffrin |  publié le 02/05/2024

L’ancien président a livré sans fard ses projets politiques en cas de victoire. De la bouche du cheval, c’est encore plus effrayant que ce qu’on pouvait attendre.

L'ancien président des États-Unis Donald Trump alors qu'il quitte la salle d'audience pour la journée au tribunal pénal de Manhattan, le 19 avril 2024 à New York- Photo Sarah Yenesel - Pool/Getty Images/AFP

Au moins, nous savons à quoi nous attendre. Time Magazine, estimable hebdomadaire américain, publie un numéro spécial consacré à un long entretien avec Donald Trump, chose banale en cette période de primaires où les différents concurrents présentent leur programme de gouvernement. À un détail près : pour répondre aux questions, l’ancien président, de nouveau candidat, a quitté temporairement le tribunal de New York où il est jugé pour manipulations comptables visant à dissimuler l’argent qu’il a fait donner à la star du porno Stormy Daniels, afin de la dissuader de révéler sa liaison avec lui.

Chose banale, donc, n’était le contenu des projets annoncés par Trump, que le journaliste de Time a résumés de manière clarissime et qu’il suffit de citer ici dans la traduction qu’en donne Le Figaro pour en avoir une idée précise. « Pour mener à bien une opération d’expulsion destinée à expulser du pays plus de 11 millions de personnes, Trump m’a dit qu’il serait prêt à construire des camps de détention pour migrants et à déployer l’armée américaine, à la fois à la frontière et à l’intérieur du pays...

Il laisserait les États conservateurs surveiller les grossesses des femmes et poursuivre en justice celles qui violent l’interdiction de l’avortement. (…) Il serait prêt à licencier un procureur américain qui n’exécute pas son ordre de poursuivre quelqu’un, rompant ainsi avec une tradition d’application indépendante de la loi qui remonte à la fondation de l’Amérique.

Il envisage de pardonner à tous ses partisans accusés d’avoir attaqué le Capitole américain le 6 janvier 2021, dont plus de 800 ont plaidé coupable ou ont été reconnus coupables par un jury. Il pourrait ne pas venir en aide à un allié attaqué en Europe ou en Asie s’il estimait que ce pays ne payait pas suffisamment pour sa propre défense. Il viderait la fonction publique américaine, déploierait la Garde nationale dans les villes américaines comme bon lui semble, fermerait le bureau de préparation à la pandémie de la Maison-Blanche et doterait son administration d’acolytes qui soutiennent sa fausse affirmation selon laquelle les élections de 2020 ont été volées. »

En fin d’entretien, l’ancien Président ajoute les précisions suivantes. Si la Cour suprême l’autorise, dit-il, « alors Biden, j’en suis sûr, sera poursuivi pour tous ses crimes, car il a commis de nombreux crimes. » Et quand le journaliste du Time lui demande : « Ne voyez-vous pas pourquoi de nombreux Américains considèrent ces discours sur la dictature comme contraires à nos principes les plus chers ? », Donald Trump écarte l’objection : « Je pense que beaucoup de gens aiment ça ».

Nous sommes donc prévenus. La victoire de Trump ouvrirait une période inédite, qui verrait les États-Unis rompre avec leurs principes de liberté les mieux établis, expulser massivement des millions de personnes d’abord enfermées dans des camps de rétention, mettre fin aux traditions d’état de droit qui soutiennent la démocratie américaine et installer le mensonge d’État en loi fondamentale.

Que faire en France ? Pas grand-chose, sinon allumer un cierge pour que la campagne de Joe Biden se poursuive sur le même ton que sa déclaration de l’état de l’Union, énergique et efficace, et que les Américains attachés aux libertés, de tous les partis, fassent finalement rempart contre cette entreprise dont le succès ferait basculer l’Amérique dans le camp des démocraties « illibérales », pour ne pas dire dictatoriales. 

Laurent Joffrin