Trump, l’économiste stupide
Depuis deux mois, les décisions de la nouvelle administration n’ont eu d’autre effet que de handicaper l’économie américaine.

Une hausse des droits de douane annoncée avec fracas puis en partie retirée ; le Mexique, le Canada et le Danemark traités en ennemis, un comportement erratique et imprévisible : le président des États-Unis donne le tournis aux agents économiques.
Prenons la réaction de Jerome Powell, le patron de la banque centrale fédérale (Fed), qui cherche avec humour à « séparer le signal du bruit ». Trump est à la Maison Blanche depuis moins de cent jours, il annonce que la FED ne change pas ses taux d’intérêts, mais revoit à la baisse les prévisions de croissance américaine qui passent à 1,7% pour l’année en cours alors qu’elles étaient encore à 2,1% en décembre dernier.
Jerome Powell note que le pays est traversé par « une incertitude inhabituellement élevée ». Traduire : les droits de douane sur les produits entrant dans le pays pèsent sur les industriels américains et font monter les prix au détriment du consommateur américain. La Fed prévoit ainsi une accélération de l’inflation, qui est passé de 2,5% en décembre à 2,7% aujourd’hui, et une remontée du chômage. Pour les analystes de la banque centrale, les risques de récession ont augmenté depuis janvier. Sans surprise, l’escalade de la guerre commerciale pèse sur les marchés : au début mars Wall Street perdait 4%, un recul qui n’épargne pas les géants de la Tech.
Avec sa bulle cognitive limitée, Trump semble ne pas admettre que la hausse des tarifs douaniers relance l’inflation. En bon manager de l’immobilier il veut un retour sur investissement très rapide. Il fait monter les droits de douane comme un bailleur augmente le loyer d’un appartement, sans même comprendre qu’en taxant les importations il pénalise les classes moyennes, celles-là même qui ont voté pour lui et s’estiment lésées par la mondialisation.
En deux mois, Donald Trump a bien entamé son crédit dans l’opinion : inquiétude des consommateurs devant l’inflation, inquiétude aussi des investisseurs qui redoutent par principe l’instabilité. Le patron de Chevron, seconde compagnie pétrolière américaine après Mobil, vient de perdre sa licence d’exportation de pétrole vénézuélien vers les Etats-Unis. Le secteur pétrolier, lui aussi, est pris de tournis : avec Biden il fallait amorcer la transition énergétique, avec Trump il faut forer, forer toujours plus aux USA, et surtout ne plus importer de pétrole de l’étranger.
On a vu les images des avions gros-porteurs de l’US Air-Force embarquer des migrants clandestins menottes aux mains. Pure propagande sur le « mur contre l’immigration » qui court le long du Rio Grande. Trump a simplement oublié que la main d’œuvre mexicaine offrait l’avantage de bénéfices juteux qui dopaient la productivité américaine. Après le blocage de la frontière, la pénurie de bras se fait déjà sentir dans l’agriculture, la restauration, la construction.
Avec le Canada, toujours menacé d’annexion, c’est une autre pénurie qui se profile pour les Américains, celles des matières premières comme l’aluminium par exemple. En riposte à une hausse de 25% des taxes douanières sur les importations canadiennes, Ottawa a imposé une décision symétrique sur le prix de l’énergie vendu aux USA.
Trump n’a pas connu d’état de grâce. Même si le carré principal de son fan club, les « MAGA », résiste bien, ses volte-face commerciales horripilent les marchés. Devant le coût de la vie qui s’envole de nouveau, un mécontentement diffus réapparait déjà. Selon un sondage Ipsos du 23 février, seul 22% des personnes interrogées estimaient que le pays allait dans le bon sens sur les prix de la consommation courante. Dans ce même sondage, seuls 33% des sondés se montrent optimistes en matière de politique étrangère.
Le message est clair, si Trump ne veut pas perdre ce qu’il lui reste d’élan, il doit amorcer un virage vers des décisions qui maintiennent la confiance des consommateurs. Autrement dit une politique qui soutienne l’économie. En est-il capable ?
Parlons enfin des œufs – Pâques n’est pas loin. Le marché américain souffre d’une sévère pénurie sur les œufs, les exploitations de poules pondeuses sont ravagées par la grippe aviaire. On abat les volatiles par millions, car les services sanitaires sont désorganisés en raison des coupes claires opérées par les équipes d’Elon Musk en charge de réduire le nombre des fonctionnaires dans l’appareil fédéral. Pour juguler l’inflation sur le prix des œufs, le marché se tourne vers l’international. Sauf qu’un des plus gros producteurs d’œufs sur le marché mondial, le Danemark, a dit non : on ne vend pas aux États-Unis. Ce n’est pas « l’effet Trump », mais « l’effet Groenland ».