Trump : les caprices de l’ogre
Pourquoi l’aide militaire américaine est enfin débloquée, malgré un Trump toxique, à l’Ukraine asphyxiée
Par 310 voix contre 112, la Chambre des représentants a voté l’octroi à l’Ukraine de l’aide qu’elle attendait depuis décembre. Kiev, exsangue et atteinte au moral par le blocage imposé par Trump via ses partisans à la Chambre des représentants, les « MAGA » (« Make America Great Again »), respire.
Elle doit ce succès peut-être trop tardif, à en croire les déclarations du Premier ministre polonais Tusk, aux efforts conjoints menés par Biden, Zelensky et, paradoxalement, l’un des plus trumpistes des représentants, le président de la Chambre des représentants, le speaker baptiste Mike Johnson, pour convaincre les mandataires du candidat de céder avec la bénédiction tacite de leur guide.
Zelensky a surjoué le défaitisme et Biden, soutenu par quelques républicains – dont Mitch Connell, leader du GOP au Sénat-, en a appelé à une prise de conscience des avantages pour l’industrie américaine d’un vote favorable. Quant à Johnson, il a mis en jeu sa place, stimulant l’antisoviétisme rémanent des parlementaires et de l’opinion, en invoquant les mânes de Reagan et le sang versé à venir des « boys » en cas de visa accordé à l’expansionnisme russe.
Au plan budgétaire, Kiev se voit allouer une aide directe de 13,8 milliards de dollars au titre de l’équipement d’urgence, de 15 milliards au titre du paiement et de la formation de ses troupes et de ses cadres. 23 milliards lui sont fournis pour l’achat de matériel américain, milliards qui feront les beaux jours d’entreprises dont certains stocks sont vides. Enfin, 9 milliards lui sont prêtés pour la remise en état de ses infrastructures, notamment énergétiques, et pour la revitalisation de son secteur marchand. En sus, le vote de samedi autorise le libre usage, au bénéfice de l’Ukraine, d’actifs russes gelés par Washington.
L’aide est considérable (57 milliards d’euros contre 47 milliards du budget de défense annuel français, par exemple) et met à parité les efforts américain et européen. Néanmoins, en termes de pourcentage du PIB dévolu à l’Ukraine, elle place les USA (0,3 % depuis 2022), loin derrière nombre de ses alliés.
L’aide américaine ne devrait pas autoriser de contre-offensive, mais elle devrait affermir la laisse de front. Mieux : l’acheminement de missiles sol-sol Attacms de longue portée devrait pallier le refus allemand de livraison des Taurus et rendre plausible la destruction du pont de Crimée, objectif symbolique majeur de Kiev qui, outre des munitions de tous ordres, pourra acquérir environ sept systèmes Patriot armés, encadrer ses F16, nourrir son artillerie, sa flotte de blindés, ses défenses sol-air, et amplifier ses campagnes de déminage.
Quant à l’éventualité d’une remise en cause de l’aide par l’élection de Trump, elle semble à écarter. L’ogre est repu : il a montré ses muscles et affiché urbi et orbi sa capacité de nuisance, perdant au passage quelques points de sondage dans l’opinion républicaine hostile à Moscou et favorable aux interventions extérieures du pays. Lui-même a sans doute été converti à l’idée d’un soutien favorable à la prospérité de l’industrie de guerre américaine.
Restent les longs mois gaspillés, le terrain perdu et les vies sacrifiées imputables à la sinistre parade politicienne d’un homme obsédé par sa volonté de nuisance électorale dont le énième caprice a ajouté au martyre ukrainien.