Trump : l’escroc toujours favori

par Laurent Joffrin |  publié le 15/08/2023

Les charges réunies contre l’ancien président américain sont accablantes. Pourtant la dégradation du débat public est telle qu’il reste le mieux placé pour porter les couleurs républicaines en 2024

Laurent Joffrin

Incroyable décadence de la vie politique américaine… Si rien de notable ne vient modifier la donne, nous pourrions assister à une campagne présidentielle totalement baroque, où l’un des deux candidats passera une grande partie de son temps à répondre à la justice et pourrait même être élu… alors qu’il commence à purger une peine de prison.

Pour la quatrième fois, Donald Trump vient d’être inculpé pour ses agissements illégaux dans quatre affaires différentes par quatre juridictions distinctes. Il est accusé, en résumé : d’avoir falsifié ses comptes de campagne pour payer le silence une ancienne actrice porno, d’avoir conservé par-devers lui, contre toutes les règles, des documents confidentiels intéressant la sécurité des États-Unis, d’avoir incité ses partisans à donner l’assaut au Parlement fédéral pour faire pression sur les élus avant qu’ils ne se prononcent sur la validité de l’élection de 2020, d’avoir cherché enfin – selon la dernière accusation en date – à modifier frauduleusement le résultat de la présidentielle dans l’état de Géorgie. Ouf !

Dans n’importe quelle démocratie, une seule de ces affaires où il risque la prison ferme aurait suffi à l’écarter de la vie politique devant la réprobation de l’opinion. Il suffit de citer un seul des éléments à charge pour s’en rendre compte. Dans le cas de la Géorgie, la procédure a été déclenchée par un enregistrement du président qui s’adresse au secrétaire d’État local : « Je veux juste trouver 11.780 voix, ce qui est une de plus (que le nombre nécessaire pour inverser le résultat) ». Une phrase qui suffit à démontrer la tentative de fraude.

Venant du président en poste, une telle manœuvre aurait dû susciter la protestation unanime de tous ceux, démocrates et républicains, qui sont attachés aux institutions américaines. Las ! En dépit de ces charges accablantes, Trump continue de nier, attribuant les décisions des juges -appuyées pourtant sur des jurys populaires – à une manœuvre politique ourdie par Joe Biden, par les « gauchistes du Parti démocrate » ou même par « les communistes ». Toutes fariboles accueillies comme paroles d’évangile par ses partisans, qui le placent toujours largement en tête dans les sondages mesurant les chances des candidats aux primaires républicaines et qui se préparent, donc, à faire campagne pour un escroc et un tricheur avéré.

Rappelons que naguère, pour avoir tenté de faire écouter ses adversaires, Richard Nixon a été contraint à la démission pour éviter un « impeachment » en bonne et due forme et que Bill Clinton, pour avoir menti à propos d’une liaison extra-conjugale, a dû batailler pendant deux ans pour éviter d’être destitué par le Congrès. Aujourd’hui un ancien président accusé sur la base de faits patents, convaincu de mensonges répétés, continue de dominer son camp et de faire campagne avec une chance réelle d’être de nouveau élu. Voilà où en est l’opinion républicaine aux États-Unis, aveuglée par un nationalisme à front bas, un sectarisme chauffé à blanc par les réseaux sociaux et une foi obscurantiste dans les « vérités alternative » qui postulent l’innocence de Trump comme elles proclament la dangerosité des vaccins ou bien contestent la rotondité de la planète.

Un espoir subsiste néanmoins. Ces procédures donneront lieu à des procès publics qui étaleront sous les yeux des électeurs les preuves des manigances de Trump et de son entourage cynique et fanatique. On peut supposer que le cœur de l’électorat trumpiste y restera insensible. En revanche, le truqueur d’élection risque d’y perdre cette frange d’indécis qui décide souvent du résultat final de la présidentielle. Autrement dit, le sort de la démocratie américaine repose désormais sur le courage et la sagacité de quelques juges décidés à faire prévaloir la vérité des faits et les règles de l’état de droit. Le rempart est mince mais c’est le seul qui reste. 

Laurent Joffrin