Trump n’est pas encore élu

par LeJournal |  publié le 15/07/2024

Même sans Joe Biden, l’attentat de Butler semble assurer la victoire de l’ancien président en novembre. Sauf si…

(FILES) Republican candidate Donald Trump is seen with blood on his face surrounded by secret service agents as he is taken off the stage at a campaign event at Butler Farm Show Inc. in Butler, Pennsylvania, July 13, 2024. A Florida judge appointed by Donald Trump has dismissed the criminal case against the former president on charges of mishandling top secret documents, on July 15, 2024 saying the way that Special Counsel Jack Smith was appointed was improper. (Photo by Rebecca DROKE / AFP)

(Article actualisé le 22/07/2024)
Promu héros américain, symbole de la force et du sang-froid, Trump est élu avant même l’élection : telle la conclusion, d’apparence toute logique, que la plupart des commentateurs tirent de l’attentat auquel l’ancien président a échappé samedi. C’est un fait que la réaction du candidat républicain a impressionné par son calme et son sens politique instantané. Sa photo au milieu des agents déficients du Secret Service, un filet de sang sur le visage et le poing levé, figure d’ores et déjà parmi les images du siècle.

Pourtant, quatre mois avant l’échéance, la prophétie qu’on entend partout est prématurée, en particulier depuis l’annonce du retrait de Joe Biden et de la possible candidature de Kamala Harris, sa vice-présidente.  Face à un parti républicain galvanisé par le miracle de Butler, où l’Amérique bigote voit la main de Dieu, les démocrates soutenaient un président fatigué, présent par intermittence, manifestement au bout du rouleau. La force d’un côté, la faiblesse de l’autre, la volonté contre le doute : comment résister ? Joe Biden fut un excellent président, son bilan est remarquable et les États-Unis se portent nettement mieux après quatre années de mandat démocrate. Il est temps de rendre hommage au sortant, dont la condition physique ne lui permettait pas de faire face aux contraintes de sa charge, ce qui n’a rien d’infamant.

Tares

Mais si la sagesse politique s’impose enfin, tout change. L’attentat contre Trump a mis en valeur le milliardaire populiste. Mais il a aussi souligné une fois encore les tares profondes des États-Unis : leur addiction à la violence, la profonde division de la société, les haines et les ressentiments qui a déchirent et minent sa démocratie. Les républicains sectaires – ils le sont presque tous devenus – accusent la « rhétorique anti-Trump » d’avoir armé le bras de l’assassin. Or chacun sait que la terrible dégradation du débat américain est surtout imputable à Trump lui-même, qui a rompu avec toutes les traditions de décence démocratique minimale pour parler par insultes et mensonges, menacer sans cesse son rival, refuser le résultat d’une élection parfaitement régulière et justifier sans ciller la folle entreprise de l’assaut sur le Capitole. Chacun sait aussi que les millions d’armes possédées par les Américains sans aucun contrôle ou presque – dont le fusil automatique qui a servi à l’attentat – le sont en raison de la pression exercée sans cesse par les Républicains pour bloquer toute tentative de contrôle des ventes d’armes.

Le miracle de Butler ne change rien à cet état de fait et la moitié environ des électeurs américains en sont persuadés. Au contraire, l’attentat perpétré contre Trump pose une question simple au peuple américain : faut-il continuer dans la voie de la brutalisation de la politique inaugurée par Trump ou bien lui tourner le dos ? Une fois dissipée la compréhensible émotion devant l’événement dissipée, un ou une candidate démocrate aura tout loisir de développer cet argument. Trump l’a bien compris, d’ailleurs, qui a lancé un appel à « l’unité de la nation », lui qui n’a eu de cesse de la détruire depuis une décennie.

Réélire Trump, c’est fouler aux pieds les valeurs élémentaires de ce grand pays, magnifier ses turpitudes, qui sont nombreuses, et répudier l’amour de la loi et de la liberté qui a fait sa grandeur. Une majorité d’Américains l’a compris il y a quatre ans : cette majorité n’a pas forcément disparu, quoi qu’en disent les sondages. Il appartient maintenant à celui ou celle qui deviendra le champion démocrate – si les démocrates le veulent – de la reconstituer.

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