Tué pour avoir démarré

par Laurent Joffrin |  publié le 27/06/2023

La mort d’un jeune homme à la suite d’un refus d’obtempérer pose une nouvelle fois la question des règles de légitime défense et de l’indépendance de l’enquête

Laurent Joffrin

La vidéo est pour le moins troublante. Certes, il faut attendre les détails de l’enquête pour se prononcer définitivement sur la mort d’un jeune homme de 17 ans tué le mardi 27 juin à Nanterre à la suite d’un refus d’obtempérer. Mais tout de même : on cherche vainement, sur ces images, en quoi le comportement de la victime mettait en danger les policiers.

Le refus d’obtempérer, dont les exemples se multiplient, est une infraction grave qui mérite une sanction sévère. Mais certainement pas la peine de mort, de facto appliquée dans le cas présent.


Nulle « récupération politique » dans cette réflexion. Il ne s’agit pas de dire, comme Jean-Luc Mélenchon, que « la police tue », aphorisme diffamatoire qui met en cause une profession dans son ensemble, laquelle exerce une fonction difficile et cherche avant tout à protéger les citoyens contre la délinquance.


En revanche, en droit, et dans l’intérêt même des forces de l’ordre, les fautes commises par certains policiers ne peuvent échapper à la sanction des lois, qui sont très claires en l’espèce : l’usage des armes à feu par la police est strictement réglementé en France – et dans toute l’Europe ; il n’est licite qu’en cas de légitime défense. Or il apparaît que dans un premier temps, certaines sources policières avaient affirmé que le véhicule fonçait sur les deux fonctionnaires.

D’où l’importance de la vidéo, qui tend à montrer le contraire, et de l’enquête subséquente… La police doit être respectée, mais elle doit aussi inspirer confiance. Si la faute policière est confirmée, elle risque précisément d’entamer cette confiance, sans laquelle il n’est pas de maintien de l’ordre démocratique.

L’affaire est confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), qui devra en éclaircir les circonstances et déterminer la responsabilité du fonctionnaire impliqué. Mais là aussi, la chose appelle réflexion. Sans mettre en cause la probité des membres de ce service, il faut remarquer que l’IGPN est soumise à l’autorité hiérarchique du ministère.

Autrement dit, elle est, par construction, juge et partie. Situation ambiguë qui alimente le doute, notamment dans les quartiers où les rapports police-population sont difficiles.


Dès lors, tout gouvernement de gauche devra mettre en place le système qui prévaut dans plusieurs pays : confier ces affaires de faute policière à une instance indépendante, composée de professionnels et de personnalités extérieures.

C’est une réforme nécessaire, non pour jeter le soupçon sur la police, mais au contraire pour assurer son crédit auprès de la population.

Laurent Joffrin