Ugo Bernalicis, insupportable insoumis
Membre de la jeune garde rapprochée de Mélenchon, Ugo Bernalicis, biberonné à la vision radicale de son modèle, continue à faire le show à l’Assemblée. Que de bruit!
« Il faudra employer la force physique si vous voulez me virer de cette commission », crie un député au milieu d’une salle comble de l’Assemblée, tapant du poing sur la table au soir du 30 novembre. Se prend-il pour le comte de Mirabeau répondant au marquis de Dreux-Brézé envoyé de Louis XVI pour faire évacuer la salle du Jeu de paume après le Serment du 20 juin 1789 ? Ce serait un tantinet prétentieux. Cet insoumis qui claque les pupitres se contente de s’en prendre à ces collègues députés. Et il n’écope que d’une sanction financière pour son esclandre.
Ugo Bernalicis, 34 ans brun et barbu, enrage contre les membres de la Commission des lois, alors en plein examen du projet de loi immigration, qui refusent de le laisser aller voter dans l’hémicycle la niche parlementaire insoumise. Une comédie de plus des insoumis, pensent les uns. Un scandale, affirment les autres. Dans son parti, le député du Pas-de-Calais a une légitimité historique : il fait partie des pionniers qui ont suivi Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il n’était qu’un rebelle en rupture avec les socialistes.
Il est vrai que Ugo Bernalicis est tombé dans la marmite politique tout jeune. Sa famille est peuplée de militants communistes et syndicalistes. Son arrière-grand-père a été déporté à Dachau en raison de ses opinions politiques. Dès 14 ans, il s’oppose aux réformes de François Fillon sur les retraites et rédige des tracts qu’il distribue. Il s’engage au PS et participe à la campagne présidentielle de Ségolène Royal. Mais déjà, les socialistes lui paraissent bien tièdes.
Quand Mélenchon claque la porte du PS après le congrès de Reims, il suit. Durant ces années de construction du projet « mélenchonien », il se forme et rencontre son futur comparse, Adrien Quatennens. Étudiant, Ugo milite à la CGT, au conseil d’administration du CROUS, à l’Union des étudiants communistes.
Il entame une carrière d’attaché d’administration au ministère de l’Intérieur. La sécurité devient son domaine d’expertise. En 2016, il rédige la partie consacrée à ce secteur dans le livre programmatique de Mélenchon « L’avenir en commun ». Un an après, enfin député avec seize autres insoumis, il entend bien profiter de cette tribune médiatique exceptionnelle qu’est l’Assemblée nationale. À 27 ans, le voilà membre de la Commission des lois.
Le jeune élu ne tarde pas à se faire remarquer. En 2019, il crée une commission d’enquête consacrée aux obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il suspecte le pouvoir macroniste de jouer avec la Justice et les institutions depuis l’affaire Benalla. Une initiative qui est récompensée par l’association ANTICOR, qui lutte contre toutes les formes de corruptions et lui décerne le prix éthique en 2021. Député désigné comme le plus assidu sur les questions relatives à la sécurité, et salué par des médias de son fief, il se rêve en ministre de l’Intérieur. Rien moins.
Pendant la campagne des législatives 2022, ce fan de rap écrit une chanson et diffuse un clip d’une grande modestie, « Ugo à Beauvau », dans lequel, il sort des punchlines sans ambiguïtés telles que « quand j’arrive je dissous la BAC », ou encore « Darmanin nous ne sommes pas dupes, on sait que ta police tue ». En juillet 2023, il s’attire les foudres du ministre de la Justice Dupont-Moretti en déposant un amendement visant à interdire à la police d’espionner les objets connectés… dont les sex-toys.
L’échec sur le projet de loi immigration de Gérald Darmanin le fait jubiler. Le combat continue jusqu’à ce que Jean-Luc Mélenchon prenne le pouvoir et qu’il soit ministre. Encore trois ans. S’il échoue, il pourra toujours écrire un album de rap. C’est dans l’épreuve que les artistes trouvent l’inspiration.