Ukraine : le sursaut américain

par Laurent Joffrin |  publié le 23/04/2024

Le vote de la Chambre des Représentants à Washington montre que les démocraties, en dépit de leurs hésitations, peuvent relever les défis lancés par les nouveaux empires.

portrait de Laurent JOFFRIN le 23 juillet 2020

Dans leurs affrontements avec les dictatures, les démocraties son toujours lentes à réagir. Préférant la paix à la guerre, nanties d’une vague confiance dans la nature humaine, elles pensent que la négociation suffira à apaiser les querelles et qu’entre adversaires rationnels, il y a place pour le compromis. Mais une fois la mauvaise foi de l’adversaire exposée, une fois leur conviction établie, elles savent, à l’heure du danger, parce que leurs valeurs les plus profondes sont en jeu, faire face à la menace et s’armer de détermination pour vaincre l’ennemi. Il en est allé ainsi pendant la Seconde Guerre Mondiale et pendant la guerre froide.

Cette maxime – fondamentale pour comprendre le monde contemporain – vient de trouver une nouvelle application aux États-Unis. Tout conspirait en effet pour empêcher que fût votée une nouvelle aide à la démocratie ukrainienne agressée par le despote russe. L’apathie de l’opinion, le scepticisme des républicains, la faiblesse du président Biden, l’opposition farouche des amis de Donald Trump, puissants au Capitole, tout cela allait dans le sens du refus ou de l’abstention, sur fond de retour apparemment irrésistible à l’isolationnisme américain, traditionnel avant Roosevelt.

Courage

Seulement voilà : un homme politique courageux (il y en a), Mike Johnson, « speaker » de la Chambre des Représentants, quoique porté à ce poste avec l’accord des trumpistes, opposés à toute forme d’aide à l’Ukraine, a voulu se faire son opinion par lui-même. Il a consulté les différentes autorités du pays, notamment le directeur de la CIA, pour évaluer les dommages que pourrait causer l’interruption de l’aide américaine à l’Ukraine. Apparemment, les faits ont parlé d’eux-mêmes : une fois éclairé, Johnson a convaincu ses collègues républicains qu’ils auraient sur les mains, par leur refus, le sang des Ukrainiens et la condamnation de l’Ukraine à la sujétion à Poutine.

Si bien que l’aide massive prévue par le gouvernement Biden en faveur de l’Ukraine a été débloquée au Congrès, malgré l’opposition des trumpistes, dont le comportement démontre, une fois de plus, la veulerie et l’aplatissement devant la force. Le peuple ukrainien, qui désespérait de recevoir l’aide promise par les démocraties, peut envisager l’avenir avec un peu plus de confiance. Les démocraties en question, après cet acte de courage politique, peuvent réfléchir à une paix future qui ne soit pas la reddition aux oukases de Poutine, mais un compromis territorial honorable, qui préserve la souveraineté et l’intégrité de la jeune démocratie ukrainienne, qui n’a de cesse que d’adopter définitivement les valeurs de liberté.   

Laurent Joffrin