Ultraviolence : la leçon de Montpellier

par Boris Enet |  publié le 07/04/2024

Constat. À Montpellier, comme ailleurs en France, l’ultra violence touche rarement les beaux quartiers. Par Boris Enet

Collège Arthur-Rimbaud, àMontpellier, au lendemain de l'agression d'une jeune fille de 14 ans devant l'établissement. Trois mineurs, dont au moins un fréquentait le même établissement, ont été placés en garde à vue le 3 avril pour tentative de meurtre sur mineur- Photo Pascal GUYOT / AFP

Le lynchage de Samara à proximité de son collège peut frapper partout sur le territoire, tant l’abêtissement haineux des réseaux sociaux est enraciné parmi une majorité d’adolescents. Mais les drames les plus effroyables touchent rarement les beaux quartiers. C’est aussi la leçon montpelliéraine.

Quoi de commun entre les collèges Rimbaud, Garrigues, Escholiers ou Croix d’Argent à Montpellier ? Ceci. Leurs classements en fin de peloton (L’Étudiant), des faits de violence récurrents rapportés par Midi Libre et un Indice de Positionnement Social (IPS) famélique. Cet outil statistique destiné à appréhender le statut social des élèves à partir des professions et catégories sociales (PCS) de leurs parents est souvent sans appel. Il rappelle le poids de l’environnement et du quartier dans le climat scolaire. Le collège Arthur Rimbaud atteint les 70 d’IPS quand la moyenne hexagonale est de 105 et que le privé, comme à Montpellier, culmine à 125. Rien de mécanique dans ces déterminismes, mais quel esprit malhonnête pourrait les nier ?

Les collèges du pourtour Ouest et Nord-Ouest de Montpellier concentrent les difficultés, superposées les unes aux autres. Rimbaud comme les Escholiers dans le quartier de la Paillade – rebaptisé Mosson pour l’image – est un établissement classé en REP+ (Réseaux d’Éducation Prioritaire).

Des moyens supplémentaires ont été injectés avec la classification en réseau d‘éducation prioritaire. Par volonté académique, l’offre pédagogique s’est diversifiée à l’heure où la concurrence, le retentissement médiatique et le contournement de la sectorisation scolaire font et défont la réputation d’un EPLE ( établissement public local d’enseignement secondaire).

Le collège Arthur Rimbaud, où s’est déroulé le drame avec Samara, propose une section bilingue, une autre sportive et même une initiation… au coréen pour ses 850 élèves. L’absentéisme des enseignants demeure souvent plus fort dans ces endroits. Épuisement, compréhensible, mais la République demeure. Sauf que l’école, réceptacle des tensions, sociale, économique, culturelle ne peut pas tout faire à elle seule.

Une partie de ces enfants vivent dans un dénuement parental, éducatif et culturel qu’il faut savoir nommer. Le poids des trafics de stupéfiants, du communautarisme, des carences familiales et éducatives, l’absence de tout contrôle du numérique et des réseaux ne peuvent être contrecarrés par un passage ce 26 heures par semaine au sein de l’école. Les opérations Place Nette, à l’instar de la Cité Montasinos de Montpellier, haut lieu du trafic de drogues sont indispensables, mais ponctuelles. Le fléau de la « Hanounisation », inculte et réactionnaire, qui touche cette jeunesse se transforme vite en haine virale, comme lorsque ce professeur du collège Rimbaud, présumé homosexuel, a été jeté en pâture par ses élèves sur WhatsApp.

La religion dans sa version la plus rigoriste, l’islamisme, n’est jamais très loin, pourquoi le nier. Il faut parfois batailler pour justifier un cours de natation en maillot de bain pour les jeunes filles ou rappeler que la musique n’est pas contraire à la religion, même durant le ramadan. La mosquée de la Paillade fait le plein, elle, tandis que les services publics, transformés en bunkers, s’évanouissent des quartiers. La municipalité de gauche, emmenée par M. Delafosse,  n’ignore rien des périls : elle multiplie les fermetures administratives d’échoppes servant au blanchiment et met un point d’honneur à promouvoir la laïcité.

Et pourtant, Montpellier n’est pas Marseille. Sa mixité urbanistique est sa marque de fabrique depuis 1977, mais la volonté politique ne saurait suffire. J-L Borloo ne réclamait-il pas un plan Marshall pour les quartiers sensibles, plan abandonné en 2018 ? Le lynchage de Samara aurait-t-il été évité ? Peut-être pas. Mais on aurait, au moins, tout fait pour l’éviter. Ce qui n’est pas le cas.

Boris Enet