Un air du temps antisémite
L’attentat contre la synagogue de la Grande-Motte n’est que la dernière en date des attaques anti-juives, auxquelles un certain discours radical fournit un cadre idéologique.
La classe politique a condamné fermement l’attentat antisémite de la Grande Motte, le plus souvent dans des termes émus et sans équivoque. Fort bien. Est-ce suffisant ? On sait bien que cette attaque contre une synagogue, digne des années trente et qui aurait pu tourner au désastre, s’inscrit dans un mouvement plus large de montée de l’antisémitisme, angoissant et honteux pour la République. Il devrait mobiliser contre lui l’unanimité des responsables de la nation et nous inciter à dénoncer plus nettement les ambigüités qui continuent à émailler certains discours de personnalités d’extrême-gauche.
Comme on le soulignait ici il y a peu, nous assistons à une montée en flèche des actes antisémites. Avec 887 actes enregistrés par le ministère, les agressionsp ont triplé d’une année sur l’autre, principalement depuis le pogrom barbare du 7 octobre dernier et le déclenchement de l’offensive à Gaza par l’armée israélienne.
Ainsi, en dépit des efforts sans cesse dispensés par l’école de la République dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, les Français juifs sont encore victimes de préjugés archaïques et scandaleux, qui dégénèrent de plus en plus en agressions verbales et physiques. Ainsi, quelque quatre-vingts ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, plus de 80% des Français juifs, selon plusieurs enquêtes fiables, préfèrent souvent cacher leur religion, par crainte ou par souci d’éviter les incidents.
On dira : pourquoi s’attarder plus sur l’antisémitisme que sur les autres formes de racisme, qui sont également en hausse dans la société française ? Pour une raison simple : quand on rapporte le nombre des agressions à la force numérique des différentes religions, on s’aperçoit que les Français juifs sont attaqués bien plus souvent que les autres. Un seul exemple : les agressions antijuives sont plus nombreuses en France que les actes antimusulmans, alors même que les Français juifs sont dix fois moins nombreux que les musulmans.
C’est là qu’il faut mettre les pieds dans le plat : il y a certes un antisémitisme traditionnel qui persiste au sein de l’extrême-droite française. Mais le phénomène le plus neuf et le plus net, c’est le discours antijuif de l’islamisme dans notre pays. Très souvent, les activistes, les prédicateurs, les militants islamistes réactivent un antisémitisme religieux traditionnel en islam. Une étude plus ancienne d’IPSOS montre que « les préjugés antisémites sont largement répandus au sein de la population musulmane, plus que chez l’ensemble des Français ». A cela, les islamistes ajoutent souvent une dénonciation publique du « pouvoir des Juifs » et une hostilité meurtrière envers l’État d’Israël, exigeant que cet État fondé à la suite d’une résolution de l’ONU et reconnu par la plupart des nations du monde, soit purement et simplement rayé de la carte.
C’est là que l’extrême-gauche porte une part de responsabilité. En adhérant sans ambages aux thèses décoloniales, en passant des alliances tactiques avec tel ou tel groupe proche des islamistes, elle a rangé les Juifs dans la catégorie honnie des « dominants » et l’État d’Israël dans celle des nations coloniales. D’où le slogan naïvement repris par une partie de la jeunesse militante de gauche : « Libérez la Palestine, de la rivière à la mer ». D’où le discours « antisioniste » radical – qui rejoint ainsi l’antisémitisme – tenu par certains candidats de la France insoumise ou par les militants du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). Certes il s’agit de mots et non d’actes. Mais ces mots fournissent un cadre idéologique à la fois cohérent et pervers à la haine antijuive.