Bayrou, commissaire au plan-plan

par Yoann Taieb |  publié le 09/12/2023

Nommé haut-commissaire au Plan en 2020, le triple candidat malheureux à la présidentielle n’y a pas fait vraiment d’étincelles

Portrait de François Bayrou dans son bureau de maire à l'hôtel de ville de Pau, quelques jours après sa démission du poste de Garde des Sceaux en juin 2017 suite à des soupçons de complicité de détournement de fonds publics européens au profit de son parti le MODEM. Photographie Quentin Top / Hans Lucas

 À sa nomination au Plan, François Bayou n’avait pu s’empêcher de se comparer à son illustre prédécesseur, Jean Monnet. Nommé par le général De Gaulle, commissaire général à la Libération, ce dernier avait surtout organisé le redémarrage de la production française en projetant le pays dans le futur. Son lointain successeur prétendait, lui, apporter des pistes prospectives à un pays alors handicapé par la crise du Covid.

En septembre 2020, après le choc du confinement, Emmanuel Macron en le nommant lui offre un lot de consolation après sa démission forcée du gouvernement à la suite d’accusations d’emplois fictifs au sein de son parti, le Modem. Son fidèle allié centriste n’était resté Garde des Sceaux qu’à peine trente-cinq jours. Pour lui, le chef de l’État avait ressuscité un poste, réanimé par une administration de mission rebaptisée France stratégie, et réduite depuis 2006 à des fonctions d’analyse.

 Le nouveau Plan est donc « chargé d’animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion pour le compte de l’État ». Cela se traduit par la production de notes stratégiques, ou « note d’ouverture » dans la novlangue habituelle, qui portent sur tous les sujets : travail, commerce, agriculture, vieillissement de la population, retraite, climat, électricité, démographie et même… aquaculture. Un sacré mélange des genres.

Et la pluridisciplinarité des sujets abordés rend la tâche compliquée. Lors des présentations des notes du Plan à la presse, François Bayrou a révélé des faiblesses. Au cours de la dernière en date, par exemple, consacrée à l’aquaculture, le haut-commissaire se trompe sur les faits, confond milliards et millions, cherche ses mots, tousse. Il donne l’impression de ne pas dominer le sujet et sa charge paraît lui peser. Déjà en 2020, la première production de son administration avait été littéralement flinguée par le Conseil économique, social et environnemental qui la qualifiait d’« incomplète » et conseillait à ses auteurs de revoir entièrement leur copie.

En fait le Plan, « oriente l’action de l’exécutif », selon sa feuille de route, mais ne décide de rien. À l’aube de la présidentielle de 2022, à l’Élysée, les propos étaient déjà sévères sur l’utilité du haut-commissaire:« Ce poste tient à la relation entre Bayrou et Macron. Uniquement parce que le président se sent redevable. Il les lit, mais en tient-il compte ? Assurément pas ». Plus récemment, même son de cloche, mêmes doutes chez des députés de la majorité.

Pour François Bayrou, les avantages politiques de sa position sont multiples. Ils lui permettent de garder la main sur des troupes centristes qui pourraient être tentées de ne plus croire en lui. Ses députés redoutent aussi, sans l’avouer, la stratégie hyper verticale, autoritaire et centralisée d’un chef qui a toujours fini isolé. Un ancien de l’UDI note: « Bayrou décide de tout et règne sur le MoDem comme au Plan. Pour autant, ses stratégies sont des échecs ». Le haut-commissariat est aussi une aubaine pour un Bayrou qui s’imagine candidat aux élections présidentielles de 2027.

Une chimère. Même il reste convaincu que ce rôle lui garantit une aura dans le pays et pèsera face à Édouard Philippe. À la fin du mandat de l’actuel locataire de l’Élysée, il aura passé sept ans au Plan. Pour quoi faire ? Réfléchir à l’aquaculture de demain à l’heure de la guerre, d’une Europe où les extrêmes-droites s’installent et de la dégradation du climat.

Dans les années 90, Jacques Chirac et Alain Juppé désespéraient de Bayrou, alors ministre de l’Éducation nationale. « Sans élan, sans idées » disaient-ils. On ne se refait pas.

Yoann Taieb