Un compromis ? Non : une reddition
Après une journée faite de palinodies baroques, l’assemblée a voté hier soir un projet très éloigné des intentions initiales du gouvernement, qui consacre l’ascendant idéologique de la droite et de l’extrême-droite.
Quelle panique, mes aïeux, quelle panique ! La machine infernale créée par le président et ses sbires leur a explosé à la figure : il a fallu trouver en catastrophe une solution fort éloignée du projet initial. Résultat : la macronie s’est éparpillée façon puzzle, avant d’être sauvée in extremis, dans un réflexe de survie, par le vote final de l’Assemblée. Résultat : le texte n’est pas un compromis, mais une reddition. Il ne s’agit plus de rationaliser les règles de l’immigration, comme annoncé à l’origine, mais de pourrir systématiquement la vie des immigrés, seraient-ils en situation parfaitement régulière, et d’introduire dans la législation ce principe de « préférence nationale » qui fonde le dogme lepéniste.
Résumons. Quoique sans majorité, Emmanuel Macron a voulu prouver qu’il pouvait tout de même gouverner, même sur des sujets aussi sensibles que l’immigration. Il fait pondre un texte d’apparence équilibrée pour rallier une majorité d’opportunité. Las ! La droite talonnée par le RN se cabre, fait de l’obstruction et vote avec la gauche et le RN une motion de rejet.
Pour obtenir malgré tout son soutien, Darmanin, suivi par Borne, lâche la ferme et les chevaux en commission mixte paritaire (CMP). Le texte revient en séance, dicté par les LR en plein hubris. La droite a obtenu satisfaction sur presque tous les points et le Rassemblement national clame haut et fort que le projet consacre sa « victoire idéologique ».
Du coup, la « gauche macronienne » (concept quelque peu oxymorique) est saisie par un tardif scrupule. Plusieurs ministres menacent de démissionner si le texte passe en l’état et nombre de députés de la majorité (relative) s’apprêtent à voter contre, tandis que Darmanin, ministre de la même majorité (relative) défend mordicus le projet. Vive l’anarchie !
Alors, pour éteindre l’incendie, le président doit promettre de ne pas promulguer le texte qu’il a lui-même approuvé, s’il est voté grâce au concours du RN. Étrange concession, puisque c’est le même texte qui s’appliquera dans les deux cas. Si bien que, pour faire bonne mesure, Emmanuel Macron annonce qu’il saisira le Conseil constitutionnel pour faire annuler une partie des dispositions qu’il a lui-même ratifiées au moment des débats de la CMP. Va comprendre, Charles…
Voilà où nous en étions hier soir vers minuit. Le texte voté s’appliquera-t-il en l’état ? Les ministres démissionnaires vont-ils vraiment démissionner ? Borne peut-elle rester à son poste ? Le feuilleton continue. Voilà sur quoi débouche l’ambiguïté du macronisme. Sa majorité ressemble désormais à la 2CV conduite par Bourvil et percutée par De Funès dans Le Corniaud. Comme disait l’intéressé : « elle va marcher beaucoup moins bien, forcément ».