Un double risque pour le Front populaire
Est-ce qu’un gouvernement Front populaire pourrait réduire le risque que le RN arrive au pouvoir en 27 ? Par Françoise Longy (*)
Glucksman nous dit, sur France Inter , qu’il faut voter Front populaire dès le 1er tour, même si c’est la mort dans l’âme, car il faut éviter à tout prix un gouvernement RN. Mais il n’y a pas un seul risque, il y en a deux : Bardella, Premier ministre en 2024, Marine Le Pen présidente de la République en 2027. Deux événements probables au regard de la situation actuelle, mais dont le second est bien plus inquiétant que le premier. La cohabitation impose des limites et elle vous met sur un siège éjectable (l’Assemblée peut être dissoute à nouveau d’ici un an). En revanche, une présidence RN en 2027 signifierait sans doute cinq ans de pleins pouvoirs pour le RN.
Est-ce qu’un gouvernement Front populaire pourrait réduire le risque que le RN arrive au pouvoir en 2027 ? Sans doute, si ce gouvernement pouvait faire une politique qui ne déçoive pas fortement ses électeurs. Le problème est que LFI a promis monts et merveilles à ces derniers. Or, en raison de notre dette élevée, nos marges de manœuvre sont faibles. La France ne pourra augmenter son endettement et voir sa crédibilité économique mise à mal sans être durement sanctionnée par les marchés. Le pacte de stabilité européen va dans le même sens. Bruno Le Maire affirme que le programme de l’union de gauche est sur le plan économique « un délire total ». A-t-il raison ? Oui, malheureusement.
Pas besoin, en effet, d’être économiste pour comprendre que lorsque Clémentine Autain prétend qu’il est « facile » de trouver 50 milliards d’euros par an, elle nous mène en bateau. Pour rappel, l’impôt sur la fortune rapportait, bon an mal an, 5 milliards d’euros. Le programme « liste de Noël » du Front populaire, qui reprend les promesses de LFI, est chiffré par Bercy à 287 milliards d’euros par an, soit trois fois ce que rapporte par an l’impôt sur le revenu. Même si Bercy exagère, on dépasse largement les 100 milliards estimés pour le programme du RN.
Or, Bardella a commencé à rétropédaler – plus question de retraite à 60 ou 62 ans – pour éviter de trop décevoir son électorat en ne mettant pas en œuvre ses promesses une fois au pouvoir. Des économistes lui ont sans doute expliqué que s’il cherchait à les tenir, il risquait de provoquer un chaos économique semblable à celui qui a obligé Liz Truss, la Première ministre britannique, à démissionner en 2022 après 49 jours au pouvoir. On ne s’oppose pas impunément aux marchés. Mais les marchés ne préoccupent pas le Front populaire, pas plus que le pacte de stabilité européen. Il part la fleur au fusil.
Et si la gauche n’est pas appelée à gouverner, une opposition menée par des leaders dont les outrances à l’Assemblée satureront l’espace médiatique et dont les fausses promesses continueront à alimenter des rêves complètement déconnectés de la réalité compromettra fortement les chances qu’émerge un projet politique alternatif crédible et désirable.
Ces considérations m’amènent à la conclusion suivante : pour le premier tour, voter pour les candidats du Front populaire qui sont sur la ligne de Carole Delga – pas de blanc-seing pour Mélenchon et refus de soutenir un gouvernement au programme LFIste – ou pour un socio-démocrate rejetant l’investiture Front populaire, comme Jérôme Guedj. Mais, face à un candidat LFIste, voter pour un macroniste.
(*) Françoise Longy, IHPST (Institut d’Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques)