Un gros caillou européen dans la chaussure de Marine Le Pen

par Yoann Taieb |  publié le 23/09/2023

Marine Le Pen est accusée d’avoir détourné des fonds publics européens au profit de son parti le RN. Avec elle, 27 assistants parlementaires  sont menacés par un procès

Marine Le Pen, devant la Chambre des députés, à Paris, le 16 mai 2023 -Photo Andrea Savorani Neri/NurPhoto

Mauvaise nouvelle pour Marine Le Pen et son parti. Alors qu’elle caracole en tête des sondages et met en scène son « Europe des nations » avec l’extrême-droite italienne de Matteo Salvini, la voici rattrapée par une histoire de gros sous. Son parti est accusé d’avoir détourné des fonds publics européens en utilisant l’argent alloué aux députés européens pour payer des assistants parlementaires qui travaillaient exclusivement pour le Rassemblement national.

Entre 2009 et 2017, la manœuvre a certes permis de belles économies à un parti, alors, en mauvaise situation financière, mais le Parlement européen estime le préjudice à 6,8 millions d’euros.

Pour le parquet, Marine Le Pen bien est la principale responsable de ce système. Et il demande son jugement par le tribunal correctionnel pour délit de détournement de fonds publics et complicité. Au RN, on conteste toute infraction et on crie à la manipulation opportune d’une affaire opportune en plein début de la campagne électorale des Européennes 2024. La méthode populiste — l’accusée transformée en victime — est désormais classique.

Sauf que… dans une autre affaire du même acabit la concernant, Marine Le Pen vient de rembourser 330 000 euros à Bruxelles pour avoir, encore, utilisé des fonds européens pour payer des employés du parti. Décidément.

La présidente du RN n’est pas la seule à se retrouver sur les bancs du tribunal. Vingt-sept personnes au total seront jugées : eurodéputés actuels et anciens, assistants parlementaires et collaborateurs du RN. Dont des noms historiques du FN de l’époque de Jean-Marie Le Pen : Louis Aliot, ex-époux de Marine Le Pen et maire de Perpignan, Bruno Gollnisch, ancien numéro 2 et figure du parti, Wallerand de Saint-Just, fidèle trésorier, ou encore Nicolas Bay, passé désormais chez les concurrents de Reconquête.

Sur la liste figure également le nom du député de l’Yonne, Julien Odoul, embauché en octobre 2014 comme assistant parlementaire de l’eurodéputée Mylène Troszczynski… sans l’avoir jamais rencontré. Pour preuve, un SMS extrait par les enquêteurs du téléphone du néo-député : « Serait-il possible que je vienne à Strasbourg demain pour voir comment se déroule une session au Parlement européen, rencontrer députés et assistants et faire la connaissance de Mylène Troszczynski à qui je suis rattaché ? ».

Après l’affaire des deux prêts russes contractés en 2014 – 9 millions pour le parti, 2 millions pour le microparti de Jean-Marie Le Pen — et non encore remboursés – ce procès de Marine Le Pen et de ses 27 co-inculpés pourrait intervenir en plein milieu de la campagne présidentielle de 2027. Un sérieux coup de canif à l’image de la femme politique responsable, donc présidentiable, que tente laborieusement de se construire Marine Le Pen.

Yoann Taieb